2025, cultivons-nous !
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2025, cultivons-nous !

« Nous fûmes quand d’autres n’étaient pas » Feu Ibrahim Boubacar Keita, homme de grande culture qu’il fut, s’enorgueillissait à le rappeler. Le Mali est une terre de civilisation que la conquête coloniale, violente et déshumanisante, a tenté de faire disparaitre. Pourtant, le Mali a, à son tour, conquis le monde grâce à sa culture, comme aimait à le répéter le regretté Amadou Bathily. S’il y a un domaine où le Mali peut fièrement brandir sa souveraineté, c’est bien celui de la culture.

La décision du président de transition, le général Assimi Goïta, de faire de 2025 l’année dédiée à la culture mérite toute notre attention au-delà de l’effet d’annonce. Il devient, dès lors, important d’en préciser les objectifs recherchés dans un pays où, subitement, le communicant se réinvente en historien, le « vidéo-man » se transforme en analyste politique ou encore l’intellectuel devient un spectateur passif sinon désabusé. La portée de cet acte politique est grande à un moment où, justement, la culture est menacée. L’intolérance, l’incivisme, l’inculture et l’impatience sont devenus de véritables fléaux qui font ravage dans la société malienne. Qu’a-t-elle semé pour récolter des citoyens en perte de repères, de sens et de valeurs ?

Ressource inépuisable

L’historien Joseph Ki-Zerbo, dans son recueil de textes A propos de culture, édité en 2010 par la Fondation qui porte le même nom, souligne, à condition de savoir de quoi il est question, que « la culture permet de survivre aux pires vicissitudes de l’histoire humaine ». Il est donc important de ne pas réduire la culture au divertissement qui, au lieu de cultiver les valeurs partagées, conduit plutôt à l’hystérie collective. Elle n’est pas « une diversion stérile vers le passé », une ode à la nostalgie mais véritablement une ressource inépuisable pour sortir du regret et construire un récit du progrès. Elle est tout sauf figée et recroquevillée sur elle-même. Elle se veut vivante et ouverte dans une société en mutation rapide. L’historien Ki-Zerbo identifie cinq principaux défis posés à la culture africaine : « la diversité dans et pour l’unité, la création d’une culture populaire, la transmission de la culture aux générations montantes par un système éducatif remodelé, la modernisation dans l’authenticité et la liaison avec la culture universelle

La tâche de l’intellectuel est donc immense. Car la culture permet de cultiver et semer en l’homme ce que le philosophe André Comte-Sponville appelle « les grandes vertus » comme, entre autres, « la politesse, la prudence, la justice, le courage, l’humilité, la tolérance, la bonne foi, l’amour ». Une fois que l’enjeu culturel est bien situé, les sphères d’incubation et d’éclosion du génie créateur comme la famille, l’école et l’université ont un grand rôle à jouer.

Célébrer la culture, c’est célébrer la pensée critique et nuancée, le refus dogmatique. Pour paraphraser Ki-Zerbo, c’est investir dans le secteur du savoir, de la création et de la production dans une société dont les valeurs sont travesties par la célébration de l’avoir et du paraitre. La culture est un tout qui « englobe donc aussi l’univers immense de l’esthétique et de l’éthique, du symbolique et du ludique, voire du transhumain ». Elle doit « forger de nouvelles synthèses, de nouvelles cohérences, de nouvelles compatibilités entre l’extérieur et l’intérieur, entre le particulier et l’universel. »

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