Bamako et les sachets plastiques, une relation toxique
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Bamako et les sachets plastiques, une relation toxique

Sur les voies publiques, dans les caniveaux ou encore dans les rues, les sachets plastiques ne passent pas inaperçus. La capitale malienne, appelée « Bamako la coquette » naguère, est aujourd’hui le siège des déchets, particulièrement des sachets plastiques. Pourtant, en plus des risques pour la santé des populations, ces sachets constituent un danger pour l’environnement.

Environ 4.050 m³ de déchets solides sont produits par jour à Bamako, dont une importante partie est composée de déchets plastiques non biodégradables. Pourtant, la loi N°2014-024 du 03 juillet 2014 interdit la production, l’importation et la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables en République du Mali. Cette loi devait contribuer à améliorer le cadre de vie de la population malienne, en lui offrant un environnement sain.

Cependant, les constats prouvent le contraire. Le plastique non biodégradable continue de circuler dans les marchés et dans les foyers avec des usages différents. Mohamed Dembélé, par exemple, confie les utiliser quotidiennement : « J’utilise les sachets plastiques pour la plupart de mes achats. Je sais que ça peut avoir des conséquences comme la pollution de l’environnement, mais je n’ai pas d’autres solutions».

« On prend ce qu’on nous donne »

Mme Macalou, elle, bien que consciente du danger de l’utilisation, dit n’avoir pas d’alternative : « Presque tout ce qu’on achète au marché est emballé dans les sachets plastiques, jusque dans les boutiques. Personnellement, je les utilise pour conserver mes aliments au frais comme la viande, le poisson, entre autres. Je sais que ça peut avoir des impacts mais on prend ce qu’on nous donne. » Elle ajoute, en souriant, que le seul moyen qu’elle a trouvé pour participer à la protection de l’environnement est d’utiliser les sachets plastiques pour « faire du feu avec ».

Adam Tangara, quant à elle, n’utilise pas les sachets plastiques : « Non, je n’utilise pas les sachets plastiques parce que ça nuit à la santé et à l’environnement. J’utilise plutôt du papier. Même pour le marché, j’amène mon panier ».

Dans le nid du fleuve Djoliba

Les différents usages des sachets plastiques non biodégradables ne sont tout de même pas sans conséquences. Pollution des sols et de l’eau, danger pour la faune, effet sur le climat… la matière plastique représente un véritable danger pour l’environnement. En plus d’être utilisés de manière abusive, les sachets plastiques sont jetés dans les rues, les caniveaux.

Dans les caniveaux, elles obstruent le passage des eaux de pluies, ce qui provoque ainsi des inondations. Chaque année, on dénombre plusieurs cas d’inondations au Mali, particulièrement à Bamako. Même si ce n’est pas la seule cause, l’obstruction des caniveaux par les sachets plastiques a une part importante de responsabilité. Sans oublier que ces eaux, très souvent, finissent leur course dans le nid du fleuve Djoliba, transportant au passage des déchets plastiques dans ce cours d’eau vital pour la capitale malienne. Il en résulte une pollution de la ressource en eau potable de la région.

Sur les sols urbains et périurbains, les effets sont aussi bien existants. En effet, les sacs plastiques sont parfois enfouis dans le sol et, en se décomposant, peuvent constituer un barrage physique empêchant l’eau de s’infiltrer normalement. Résultat : l’augmentation du ruissellement de surface, qui peut entrainer l’érosion des sols et la perte de la couche arable fertile. Ce phénomène aggrave encore davantage les problèmes de croissance des plantes et de productivité agricole.  Et à long terme, cela joue également sur l’agriculture locale.

Comment oublier les effets de ses sachets plastiques sur l’écosystème ? Le plastique dans les rivières contribue à la dégradation de la faune aquatique, constituant un danger pour les poissons. « Les plastiques se dégradent très lentement, explique Mariam Abocar Touré, médecin généraliste au centre hospitalier universitaire du Point G. Ils étouffent les sols et empêchent la croissance des plantes, bloquent les canalisations, provoquant des inondations, polluent les rivières, mers et nappes phréatiques. Les animaux (poissons, vaches, oiseaux…) ingèrent souvent des sachets, pensant qu’il s’agit de nourriture, ce qui provoque des occlusions intestinales et la mort. Sans oublier que les microplastiques pénètrent la chaîne alimentaire et peuvent finir dans le corps humain. En plus de cela, la fabrication et la dégradation des plastiques produisent des gaz à effet de serre (CO, méthane), contribuant au réchauffement climatique. »

Enjeux de santé publique

L’utilisation et la combustion des sachets plastiques ont de graves conséquences sur la santé humaine, comme les problèmes respiratoires, l’irritation des yeux et de la gorge, risque de cancer, entre autres.  « Lorsque les sachets plastiques sont brûlés notamment à l’air libre ou pour faire du feu, ils libèrent de la dioxine, du furanes, l’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), du monoxyde de carbone. Ces substances sont toxiques, cancérigènes et perturbent le système hormonal. Elles peuvent provoquer des problèmes respiratoires comme l’asthme et les bronchites, les irritations des yeux et de la gorge, le risque accru de cancer des poumons, du foie, etc », ajoute Mariam Abocar Touré.

Certains utilisent, poursuit-elle, des sachets plastiques pour emballer ou cuire les aliments. À la chaleur, des substances chimiques migrent dans la nourriture, ce qui a des conséquences : risques de stérilité, perturbation du développement chez l’enfant, des problèmes digestifs. En dépit des différentes actions et initiatives comme « Bamako sans déchets plastiques » et des usines de recyclages, les sachets plastiquent continuent d’occuper une place énorme dans le quotidien des populations.

Une capitale sans déchets plastiques

Cependant, d’autres ont choisi de donner une seconde vie à ces sachets plastiques. Des usines, ONG transforment ces sachets pour fabriquer des baignoires, des seaux et autres objets. C’est le cas de Bamadi Sidibé, président du collectif des GIE d’assainissement du Mali. Il indique que « dans tous les pays organisés, on tend vers ce qu’on appelle l’économie circulaire » : les déchets sont considérés comme des sources de revenus et de création de richesses. « Nous récupérons les déchets plastiques pour les transformer en des objets de décorations, des parures qui sont revendus, d’où la notion d’économie circulaire. »

En effet, la durée de vie d’un sac plastique avant qu’elle se dégrade complètement est d’environ 400 ans. Brûlés ou mal utilisés, les sachets plastiques sont extrêmement nocifs.

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