Avec l’adoption du nouveau code minier, le Mali cherche à tirer parti de ses ressources aurifères. Djibril Diallo, ingénieur géologue et président de l’Association pour la promotion et valorisation des ressources minières du Mali (APVRM), décrypte les enjeux de cette réforme et les défis.
Pouvez-vous retracer l’évolution du code minier malien ?
Tout a débuté en 1970, dans une économie où l’État contrôlait tout. La première mine, Kalana, a ouvert en 1985 avec l’aide de l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques). Puis, en 1991, sous la pression de la Banque mondiale et son plan d’ajustements structurels (PAS), le Mali s’est désengagé des grandes sociétés publiques, y compris dans le secteur minier. Cela a coïncidé avec l’ouverture de la mine de Siama, la deuxième plus grande du pays. À l’époque, le code limitait la part de l’État à 20 % – 10 % gratuits, 10 % à payer. Mais souvent, faute de fonds, l’État n’achetait pas ces 10 %. Les codes suivants ont suivi cette logique, avec des ajustements. C’est pourquoi nous avons réclamé une réforme du code de 2012, devenu inadapté face à la flambée du prix de l’or.
Quels sont les changements majeurs apportés par le nouveau code minier ?
Ce code introduit des réformes ambitieuses. D’abord, l’État passe à 30 % d’actions – 10 % gratuits, 20 % à acheter – et 5 % sont réservés aux investisseurs maliens, soit 35 % au total pour le Mali. Ensuite, les contrats d’exploitation, autrefois de 30 ans, sont réduits à 12 ans, incluant 2 ans d’installation, renouvelables par tranches de 10 ans. Si une société ne démarre pas dans les 2 ans, son permis peut être retiré. Les permis de recherche et d’exploitation sont désormais séparés, renforçant le pouvoir de négociation de l’État. Un fonds de développement local, financé à 0,75 % du chiffre d’affaires des compagnies, voit le jour pour les communautés. Les exonérations fiscales pour l’exploitation sont supprimées, ne laissant que celles pour la recherche. Le contenu local est renforcé : les entreprises maliennes doivent fournir main-d’œuvre et services, notamment locaux. Enfin, les superficies des permis passent de 500 km² à 100 km², puis 50 et 25 km² au renouvellement, pour limiter la spéculation.
Quelles sont les conséquences notamment pour l’attractivité face aux pays voisins ?
Ce code veut capter la hausse de l’or, passé de 1 000 à 3 300 dollars l’once. Les taxes et impôts rapportent plus que les dividendes. Sur 100 milliards FCFA de chiffre d’affaires, une société dépense 70 milliards et dégage 30 milliards de bénéfice. Les 20 % de dividendes font 6 milliards, mais les taxes sur les 70 milliards peuvent atteindre 20 milliards. Avec le contenu local, si les entreprises maliennes captent la moitié des dépenses, c’est encore plus. Mais il y a un risque : des pays comme la Côte d’Ivoire, avec 15 % gratuits pour l’État, sont plus attractifs. Des géants comme Barrick Gold contestent ces changements. Quand Randgold a vendu ses mines à Barrick Gold pour 18 milliards de dollars, l’État n’a rien eu, faute de cadre clair. Sans stabilité, les investisseurs iront ailleurs.
Quelles solutions préconisez-vous pour maximiser les bénéfices ?
Il faut d’abord de la stabilité économique, sécuritaire et politique. L’argent fuit l’incertitude. Le Mali est passé d’une mine en 1985 à 15 aujourd’hui, produisant 72 tonnes d’or par an, mais l’insécurité freine tout. Ensuite, une banque d’investissement permettrait à l’État de financer ses 20 % de parts sur plusieurs années. Une raffinerie d’or locale est cruciale : sans elle, on ignore ce qu’on extrait vraiment, 24 tonnes brutes peuvent devenir 18 ailleurs. Conserver les devises à la Banque centrale éviterait des frais bancaires énormes pour acheter des équipements militaires au regard des initiatives de l’autorité dirigeante actuelle. Enfin, un audit des mines est indispensable pour vérifier les chiffres réels.
Que pensez-vous du bras de fer entre le Mali et Barrick Gold ?
L’État reproche à Barrick Gold près de 500 milliards FCFA d’impôts et taxes impayés. Sans accès au rapport final de l’audit minier, je ne peux pas me prononcer précisément. Une chose est sûre : le litige ne vient pas du nouveau code minier, car la loi n’est pas rétroactive. La mine de Loulo-Gounkoto, gérée par Somilo, appartient à Barrick Gold, mais son contrat, signé avec Randgold, court jusqu’en 2029. Ce n’est qu’après que le nouveau code s’appliquera.
Quels bénéfices pour les populations locales ?
Les communautés gagnent avec le fonds de développement local, financé par les compagnies. Le contenu local donne la priorité aux entreprises et travailleurs des zones minières. Les taxes renforcées profitent à l’État, donc à tous les Maliens. Avec de la stabilité et une concurrence équilibrée avec nos voisins, ce code peut transformer nos ressources en richesse partagée.