Campagnes sur la santé reproductive : le rôle pédagogique des médias
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Campagnes sur la santé reproductive : le rôle pédagogique des médias

Depuis plusieurs années, le Mali organise des campagnes nationales dédiées à la planification familiale et à la lutte contre le cancer du sein et du col de l’utérus. Ces campagnes vitales ne sauraient atteindre leur pleine efficacité sans l’appui déterminant des professionnels des médias.

À travers leurs reportages, productions audiovisuelles, articles et contenus digitaux, les journalistes jouent un rôle de catalyseur dans la sensibilisation, l’éducation et l’adhésion des populations. Sané N’Diaye est coordinatrice nationale de la communication de la santé de la reproduction à l’Office nationale de la santé reproductive. Elle souligne que « les médias, de façon globale, jouent un rôle très important pour la création de la demande sur la santé de la population », tout en rappelant que « les thématiques sont difficiles à aborder » et soumises à de nombreuses rumeurs.

Nuit des médias

Elle insiste sur le fait que véhiculer la bonne information pour impulser un changement de comportement sociétal est une priorité. Particulièrement dans un contexte humanitaire où rendre les services de santé sexuelle et reproductive disponibles jusqu’au « dernier kilomètre » demeure un défi.

Pour répondre à cette exigence, l’ONASR a mis en place des actions concrètes visant à renforcer les compétences des journalistes : la formation sur les thématiques sensibles, la mise en réseau, le coaching continu, et l’accès à des personnes-ressources qualifiées. Une initiative innovante envisagée est l’organisation d’une « nuit des médias amis de la santé de la reproduction », assortie d’une gratification des meilleures productions.

Ces journalistes formés sont, par ailleurs, privilégiés pour couvrir toutes les activités de communication de l’ONASR. « Nous avons constaté une augmentation de la visibilité des activités de l’ONASR, explique Sané N’Diaye, également l’intensification des productions médiatiques sur plusieurs organes de presse ». Elle déplore tout de même, cette année, la baisse de la présence des médias professionnels formés, remplacés par des médias spontanés, ce qui réduit l’impact escompté.

Une tribune aux spécialistes

Mahamadou Bagayoko, journaliste engagé depuis 2021 dans la campagne PF, témoigne que « la participation des médias contribue énormément à son amplification ». Il précise que les médias savent adapter « les informations et messages aux différentes communautés », ce qui motive les populations à recourir aux services proposés pendant la campagne.

Cependant, Bagayoko pointe également des défis structurels : « Malgré la communication officielle sur la gratuité des services pendant la période de la campagne, la réalité est souvent tout autre. Intrants insuffisants, retards logistiques, voire détournements de produits compromettent l’efficacité sur le terrain. Cela fragilise la confiance des populations, que les médias tentent pourtant de renforcer. »

Khadidiatou Sanago, journaliste à Maliweb, apporte un éclairage complémentaire sur l’implication médiatique dans la campagne PF. Selon elle, « les journalistes sont essentiels dans la mesure où ils relaient les informations fiables issues des professionnels de santé, et jouent un rôle d’alerte et d’orientation. Ils ont le devoir de guider les citoyens vers des comportements de santé responsables, et de leur indiquer où accéder aux services de PF. » Elle estime que les journalistes doivent aussi offrir une tribune aux spécialistes pour exposer les avantages, inconvénients et insuffisances du dispositif.

Au-delà des usagers, Mme Sanago rappelle que les journalistes peuvent influencer les décideurs via le plaidoyer, notamment pour alerter sur la disponibilité des produits ou l’adaptation des politiques. « Les médias sont les mieux placés pour promouvoir le dépistage précoce, informer et sensibiliser à l’adoption de comportements sains », rappelle-t-elle. Comme contraintes, Khadidiatou évoque l’indisponibilité de certains professionnels de santé, le manque de culture médiatique des citoyens pour exprimer leurs besoins, et la barrière linguistique liée à l’absence de terminologie adaptée dans les langues officielles.

Pour Djelika Traoré, militante pour les droits en santé sexuelle et reproductive, les journalistes sont une véritable valeur ajoutée. Leurs productions fiables ont renforcé son propre engagement, rendant les messages de santé plus accessibles, traçables et durables. « Les acteurs du secteur de la santé doivent mobiliser pleinement les médias professionnels. Les valoriser, les équiper, et leur accorder la place qu’ils méritent constitue une stratégie essentielle pour améliorer la santé reproductive au Mali. », conclut-elle.

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