Derrière les portes des centres de santé, la solidarité humaine agissante
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Derrière les portes des centres de santé, la solidarité humaine agissante

Au Mali nous ne tarissons pas de reproches sur les personnels de nos centres de santé. Pourtant entre gestes d’humanisme et de solidarité, les professionnels de santé font face au quotidien à des cas sociaux qu’ils tentent de sauver.

Il est un peu plus de 10 h lorsque je pousse la porte du bureau de Youssouf Cissé, directeur technique et chef du centre de santé communautaire (CSCom) de Yirimadio, quartier situé sur la rive droite du fleuve Niger. L’ambiance y est plutôt ordinaire. Alors que j’attends de commencer mon entretien, une silhouette frêle attire mon attention. Une femme que je vais nommer Dikel, visiblement épuisée, accroupie, pénètre timidement dans la pièce. Son visage trahit la fatigue et l’inquiétude. Elle s’installe et commence à exposer son désespoir : « Monsieur, je vous supplie de m’aider à payer mes médicaments. J’ai amené mon petit-fils souffrant de malnutrition pour récupérer sa pâte d’arachide. En sortant du centre, j’ai fait un malaise et on m’a prescrit ces médicaments. Je n’ai pas de moyens, mon fils ne travaille pas et ma belle-fille souffre de troubles mentaux. » En plus de cette dame, plusieurs autres font la queue devant le bureau du DTC.

Limites financières

Cette scène, bouleversante, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dans un quartier où la précarité empêche beaucoup de gens d’avoir accès aux soins de qualité. « Nous faisons de notre mieux, mais il est presque impossible de combler tous les besoins des patients qui n’ont pas les moyens. Nous priorisons toujours les cas les plus délicats », explique le Dr Cissé.

Le centre doit faire face à une demande croissante. Les cas sociaux se multiplient et les dépenses suivent : « Par mois, nous ne dépensons pas moins de 250 000 FCFA, et nous atteignons souvent un million par an », précise le médecin-chef. Ces sommes, modestes à l’échelle nationale, représentent pourtant un effort considérable pour le centre de santé.

L’aide sociale est théoriquement disponible à travers les centres de référence, mais la lourdeur administrative en décourage plus d’un. « Imaginez demander à une personne sans moyens, qui a un besoin urgent de soins, de faire la navette entre structures et de payer les frais de transport », explique le Dr Cissé.

Les équipes médicales, conscientes de ces défis, essaient de combler les manques par leur solidarité. Jean-Marie Koné, médecin-chef de la maternité de Hamdallaye, confirme : « Le gouvernement met à notre disposition des kits médicaux destinés aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 5 ans, mais ils s’épuisent très vite. Nous travaillons dans une communauté à faible revenu et la demande dépasse souvent l’offre. »

Derrière les chiffres…

Les sage-femmes cotisent pour des cas particuliers, et le médecin n’hésite pas à contribuer lui-même lorsque la situation l’exige. Pourtant, pour les interventions chirurgicales ou les traitements très coûteux, le centre de santé doit se résoudre à orienter les patients vers des centres de santé de référence disposant d’unités d’aide sociale, même si ces occasions restent rares.

Selon Dr Koné, chaque semaine, le centre gère en moyenne trois cas sociaux. Chaque histoire est une leçon de courage, mais aussi un rappel des limites du système. La vulnérabilité économique et sociale de ces familles se heurte à la complexité du secteur de la santé, et chaque consultation devient un acte de solidarité autant qu’un soin médical.

Assise dans ces bureaux, j’observe ces réalités avec un mélange de respect et d’inquiétude. Derrière les chiffres, il y a des vies en danger, des familles entières qui se débattent pour maintenir leur proche en vie, et des professionnels de santé qui, malgré leurs efforts héroïques, voient parfois l’impuissance prendre le pas sur leur volonté d’aider.

Dans ce contexte, l’humanité se mesure moins aux protocoles qu’aux gestes de compassion, aux dons personnels et à l’engagement quotidien de ceux qui, face à la misère, choisissent de ne pas détourner le regard. Contrairement à ce que l’on croit, le quotidien dans ces centres la santé publique est autant un combat médical que social.

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