Mali : forces de l’ordre ou du désordre ?
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Mali : forces de l’ordre ou du désordre ?

Au Mali, les forces de l’ordre sont accusées de tirs à balles réelles sur les manifestants. Ce qui a relancé le débat sur leur usage disproportionné de la violence dans le maintien d’ordre, provoquant souvent le désordre. 

L’utilisation présumée des armes à feu létales contre les manifestants entrés en « désobéissance civile » à l’appel du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), notamment du 11 au 12 juillet, la brutalité avec laquelle ont été interpellés des manifestants et certains de leurs leaders ont propulsé les forces de sécurité maliennes au centre d’une attention politico-médiatique. Censées être les plus proches des populations, les forces de sécurité semblent devenues aujourd’hui la « bête noire » de ces dernières. Actuellement, les dispositifs impressionnants devant les commissariats de police par peur d’être la cible de la colère des manifestants en sont la preuve tangible.  

Si les forces de défense sont de façon régulière accusées d’exactions dans les zones d’instabilité par les organisations de défense des droits humains, celles déployées dans le cadre du maintien d’ordre ne sont pas exemptes de reproches non plus. En juin 2018, dans la région de Kayes, une manifestation des jeunes de Konsiga contre le maire avait été violemment réprimée. Des images montrant des blessures graves de cette répression avaient été largement diffusées sur les réseaux sociaux. 

« Au-dessus de la loi »

L’assassinat à Kayes d’un jeune par un policier provoquant de violentes manifestations, « l’affaire Ali Sangaré » qui a agité la ville de Mopti en pleine période de couvre-feu, les images des éléments du Groupement mobile de sécurité (GMS) brisant les vitres des véhicules de particuliers lors d’une manifestation contre l’installation du Quartier général du G5 Sahel à Badalabougou, en commune V du district de Bamako sont des épisodes qui ont mis en lumière la nécessité de « remettre de l’ordre » au sein des forces de sécurité.

Mais jusque-là, la plupart de ces actes sont restés à l’étape de la condamnation et de l’annonce de l’ouverture d’une enquête. Personne n’a été inquiété, en tout cas pas publiquement. Une situation qui nourrit le sentiment que ces forces de sécurité sont au-dessus de la loi. `

Fossé

Les forces de maintien d’ordre, composées majoritairement de la police et de la gendarmerie, sont les premiers secours pour la population civile. Les commissariats, gendarmeries et postes de police sont installés en milieu urbain ou semi-urbain. Ces forces doivent être en première ligne pour entendre et secourir les populations.

Mais aujourd’hui, force est de reconnaitre que le fossé entre les populations et les forces de sécurité s’agrandit insidieusement. Une situation fortement préjudiciable à une lutte efficace contre le terrorisme qui secoue le Mali actuellement. Pour gagner une guerre asymétrique, les armes à elles seules ne suffisent pas. Il faut une véritable collaboration avec les populations. Sans elle, la lutte est vouée à l’échec. 

S’inspirer des autres 

À travers le monde, les forces de l’ordre sont très souvent accusées d’abus. Les cas de Georges Floyd aux États-Unis, l’affaire Cédric Chouviat, le cas d’Adama Traoré ou encore la répression du mouvement des Gilets jaunes en France sont tous des exemples d’abus commis par les forces de l’ordre. 

Mais, dans ces pays, des enquêtes sont ouvertes, des conclusions sont rendues publiques et les sanctions prononcées. À défaut d’arrêter les violences, le Mali doit se doter d’une structure efficace chargée de veiller sur les actions des forces de sécurité et d’un arsenal juridique pour les dissuader de s’en prendre impunément à la population qu’elle doit protéger. 

Reformer

Tout cela relance le débat sur la réforme du secteur de la sécurité, évoquée depuis des décennies. Dans le chapitre consacré au Mali de l’ouvrage Learning from West African Experiences in Security Sector Governance (dir. Alan Bryden, Fairlie Chappuis), l’ancien ministre et actuellement ambassadeur Zeyni Moulaye rappelle qu’après la révolution de mars 1991, les forces de sécurité étaient l’objet de désapprobation et accusées d’être le « bras répressif » d’un régime dictatorial, au point que « des semaines après le soulèvement les policiers ne pouvaient se balader dans la rue sans attirer la réprobation de la population ». 

L’opportunité offerte par le changement de régime à l’époque pour un revirement dans la gouvernance du secteur de la sécurité n’a pas été saisie. Résultat : parmi les reproches à l’endroit des forces de sécurité aujourd’hui, il y a le manque de formation adéquate et d’équipements, le manque de motivation.  

Il urge aujourd’hui de rétablir le lien qui lie les forces de l’ordre et les populations. Les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre une grande « politique de réconciliation ». Parce que toute stratégie de lutte contre le terrorisme, qui n’impliquera pas la population, sera un échec. Les autorités doivent avoir le courage de sanctionner les éléments qui se rendent coupables d’abus pour mettre fin à cette mécanique de la violence.

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