Excision : « La pire expérience de ma vie »
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Excision : « La pire expérience de ma vie »

Fatoumata Z. Coulibaly s’est classée 1ère avec son billet sur l’excision dans le cadre de la 3e édition du prix Boukary Konaté, du nom du premier président de la Communauté des blogueurs du Mali (Doniblog). Parmi vingt-six participants, trois ont été primés. Nous publions l’article des trois lauréats.

Je vous épargne les détails tel que mon nom, car je préfère rester anonyme. J’ai perdu une partie de ma féminité à l’âge de 12 ans. Je me rappelle très bien, je venais juste de réussir mon examen pour le Certificat d’études primaires (CEP). Je revenais des vacances chez une tante à la demande de mes parents qui me réclamaient. Je ne savais pas que j’allais vivre la pire expérience de ma vie. Quand je suis revenue des congés, j’ai demandé à mon père de me rendre le cadeau qu’il avait promis de m’acheter. Il m’a répondu que je l’aurai en baissant la tête.

Très tôt, vers 6h du matin, ma mère m’a réveillée en me demandant d’accompagner deux femmes qui vivaient en location chez nous. Je lui ai demandé ce qu’on allait y faire. Elle m’a répondu que les femmes allaient m’emmener au marché pour choisir mon cadeau.

« Veux-tu garder ta virginité ? Veux-tu être pure aux yeux de ton futur mari ?»

Nous avons parcouru environ 1 km à pied. Arrivées vers 6h45, dans un endroit un peu rural, une vieille femme nous a accueillies. C’était une exciseuse. J’ai vu d’autres adolescentes sur place et deux vieilles femmes qui les tenaient les unes après les autres derrière une case. Mais j’ignorais ce qu’elles leur faisaient, je n’entendais que des cris. Aussitôt, j’ai commencé à me poser un tas de questions. L’une de mes accompagnatrices tente de me rassurer : « N’aie pas peur. Quand on quittera ici, on va acheter ton cadeau ».

Vers 7h30, l’exciseuse est venue nous chercher. J’ai eu peur et j’ai commencé à frissonner. Elle nous a emmenées dans une case. En plus des deux femmes qui m’accompagnaient, il y avait une autre dans la case qui applaudissait et me disait de danser. C’était une façon pour elle d’essayer de me débarrasser de mes peurs. Celle qui est venue me chercher m’a demandé de m’allonger. « Mais pourquoi ? », ai-je demandé. Elle a répondu : « Veux-tu garder ta virginité ? Veux-tu être pure aux yeux de ton futur mari ?». J’ai, à mon tour, répondu par l’affirmative en souriant. Alors, elles ont étalé un plastique noir. Je pensais que c’était leur drap. L’exciseuse m’a demandé de m’allonger et d’écarter les jambes.

Mes accompagnatrices ont maintenu mes deux bras et jambes au sol avec l’aide d’une autre personne qui tenait ma tête pour que je ne bouge pas trop. Soudain, j’ai senti qu’on m’enlevait une partie en moi. Je ne sais pas  avec quels accessoires elle a fait son travail. Mais quand même, elle avait une lame. J’ai crié, j’ai dit tout ce qui m’était passé par la tête. Quand l’exciseuse a fini son travail, je voyais du sang partout. Je ressens encore la douleur des années après. Je  me suis dit, ce jour-là, que si ma mère était parmi nous, elle n’aurait jamais accepté que l’on me fasse cela. Les deux femmes m’ont demandé de marcher, car cela allait, selon elles, arrêter le saignement. L’exciseuse a donné une poudre noire à appliquer matin et soir sur la partie coupée pendant 15 jours.

Une loi pour interdire

Actuellement, j’ai des problèmes avec mes cycles menstruels. Je ne les vois pas chaque mois. Et quand je les vois, je peux faire des jours avec la douleur. Un jour, lors d’une formation, j’en ai parlé à un spécialiste qui m’a conseillé de faire une consultation gynécologique. Je l’ai fait mais aucun résultat positif.

Je suis en couple maintenant et j’avoue que j’ai des difficultés á faire mon devoir conjugal. Des fois, j’ai du mal à satisfaire mon homme. Et le pire dans tout ça, je n’arrive pas à avoir d’enfants après tant d’années de mariage. Je ne sais pas si l’excision en est la cause, mais je suis hantée par cela. Ce fut la pire expérience de ma vie.

Je suis peut-être dure, mais pour moi il n’y a pas de doute : celles qui pratiquent les mutilations génitales féminines sont des criminelles. Les chiffres sont alarmants : 91 % des femmes de 15 à 45 ans ont été victimes de mutilations génitales féminines, selon l’enquête démographique et de santé au Mali de 2013. Il faut  une loi interdisant cette pratique. Ceux qui continuent à la justifier par la religion doivent avoir l’honnêteté de rappeler aussi que le hadith qui en parle, á mon avis, n’en fait pas une obligation.

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Les commentaires récents (4)

  1. Je pense que ce n’est plus une obligation au Mali, c’est devenu culturel. Cela se fait maintenant plus modernisé et se tient dans un silence absolu.