Femmes : « Punulu » ou la maison des règles
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Femmes : « Punulu » ou la maison des règles

Dans certains villages dogons, les femmes étaient mises à l’écart pendant leur période de menstrues. Cette pratique existait aussi dans d’autres localités du Mali.

Petites cases en banco ayant souvent au contour des statuettes de femme comme décoration, « Punu Goudo » ou « punulu » désigne la maison des menstrues en dogosso, langue dogon. Construites en général dans les villages conservateurs, ces cases étaient destinées à accueillir les femmes indisposées pendant au moins une semaine. Celles-ci n’avaient pas le droit de côtoyer les hommes (époux, père, frères, fils, notamment), de cuisiner pour eux, ou même de les toucher jusqu’à la fin de leur cycle de menstrues.

Préparées à la situation depuis toujours, dès le premier jour des règles, elles quittaient d’elles-mêmes la maison familiale pour retirer dans les  « punulu ». Ces mères, sœurs et filles étaient mises à l’écart surtout pour « protéger les hommes », comme si ce sang était souillé et pouvait leur nuire. Les maisonnettes étaient équipées de telle sorte que les femmes puissent cuisiner pour elles-mêmes pendant leur court séjour.

Le sang nuisible

« La raison principale de cette retraite, c’était pour préserver l’effet protecteur des gris-gris qu’utilisaient les hommes de l’époque. », nous confie Hamidou Ongoïba, vice-président de Ginna Dogon, association culturelle dogon, et originaire de la localité de Pètaga (Douentza). Âgé de plus de 70 ans, Hamidou Ongoïba souligne aussi que cette pratique est antérieure à sa génération et remonte à assez loin dans le temps. Selon lui, la pratique demeure dans certaines localités reculées, sur les falaises où vivent des communautés dogon. Et même dans les contrées où la pratique a été abandonnée, les cases de « punulu » existent toujours.

Jadis, la religion monothéiste n’était pas ancrée dans les sociétés dogon. Les hommes de la région faisaient recours à la magie noire et avaient des croyances mystiques. « Un homme bien préparé et lavé avec des médicaments de protection ne devait pas se hasarder à entrer en contact avec une femme pendant ses menstrues. Cela lui faisait courir le risque de perdre tout son pouvoir et sa pureté. », raconte Seydou Tembely, vieux sculpteur dogon à la Maison des artisans de Bamako.

L’impact du passé

Avec l’arrivée des religions musulmane et chrétienne, cette pratique a presque disparu. La majorité des hommes ont abandonné les fétiches pour une autre croyance dans laquelle ces pratiques sont prohibées. Cependant, il y a quand même eu un impact sur la génération présente. « Dans notre village, il existe un proverbe qui dit que ‘’si au lever du jour tu ne perçois pas ta maman dans la maison, ne demande pas après elle car la réponse risque de te choquer’’. », se remémore Issa, originaire de Douentza. L’enfant doit donc comprendre que sa maman traverse une période d’impureté et qu’elle se trouve au « punulu ».

Seydou Ouologuem est un jeune homme originaire du village de Mory, dans le cercle de Bandiagara. Son témoignage est un rien surprenant : « Ma mère me déconseillait de m’assoir à la place où une femme s’était assise. Selon nos croyances, si tu t’assois à la même place qu’une femme indisposée, cela peut te rendre impur et vulnérable ». Cela signifie que les femmes aussi reconnaissaient le pouvoir maléfique du sang des menstrues.

Le contenu de ce billet me redonne de l’espoir. L’espoir qu’un jour beaucoup de pratiques que je trouve rétrogrades, qui sont considérées comme culturelles, vont disparaître de nos sociétés. Et les femmes ne seront plus prisonnières dans leur propre corps.

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