[Tribune] Dépigmentation : s’attaquer aux racines du mal
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[Tribune] Dépigmentation : s’attaquer aux racines du mal

On a souvent tendance à blâmer les gens qui se dépigmentent et à les vilipender, tout en négligeant les facteurs qui poussent beaucoup à recourir à cette pratique néfaste. Pour Aïssata Ba, il est temps de changer de fusil d’épaule et s’attaquer aux racines profondes du mal.

Le blanchiment de la peau ou l’éclaircissement, la tonification ou encore « Tcha », en langue locale, est une pratique qui fait partie intégrante de la vie quotidienne de nombre de femmes et d’hommes. Ces derniers dépensent leurs revenus pour acheter des produits pouvant contenir des substances nocives. Cela est vrai pour de nombreuses personnes dont le teint peut varier de très foncé, brun et parfois même clair.

J’ai grandi en voyant des gens changer de couleur comme un caméléon, du jour au lendemain. Ils développent des affections cutanées, qui les rendent vulnérables sous le soleil ou laissent leur peau avec des nuances inégales ou des vergetures sur des parties du corps tels que les bras et les cuisses.

Implication sanitaire et rôle des médias

Malgré les risques de complications sanitaires et l’interdiction de certaines substances nocives, le phénomène de la dépigmentation prendre de l’ampleur. Aussi, les produits continuent-ils d’être fabriqués et importés dans de nombreux pays, particulièrement en Afrique de l’Ouest comme le Mali, le Sénégal et la Côte d’Ivoire. De nombreuses chaînes de télévision et de radio ainsi que des panneaux d’affichage font la publicité de ces produits.

En effet, les publicités pour les produits de blanchiment abondent sous la forme de magazines, d’émissions de télévision ou de radio qui exposent des images avant et après le blanchiment de la peau. Le but de ces publicités est d’encourager à acheter ces produits censés les transformer en individus plus beaux et plus charmants à la peau plus claire. Ainsi, de nombreuses personnes, en vue de se conformer aux normes de beauté et de gagner les avantages qu’elles apportent, s’engagent dans cette pratique de changement de teint.

Haine de soi ?

Il est important de noter que, même si la pratique est ouvertement dénoncée et que le nombre de personnes qui s’adonne est énorme, elle est considérée par beaucoup comme de la haine de soi. Un facteur qui joue un rôle important dans les critiques est le sexe de la personne dépigmentée. Par exemple, les hommes qui s’adonnent à la pratique peuvent être considérés comme efféminés et les femmes comme des prostituées.

Compte tenu des réactions négatives et de l’ampleur du phénomène, il serait important de se pencher sur les origines de l’aspiration à un teint plus clair. Il convient également d’analyser la motivation derrière la pratique.

« Colorisme »

Comprendre comment la colonisation et l’esclavage ont eu un impact sur la perception des gens, sur la couleur de la peau, en particulier la peau foncée, est nécessaire pour comprendre pourquoi la peau noire dérange tant de gens. Le fait est que les Noirs ont été réduits en esclavage et colonisés pendant des siècles en raison de leur couleur de peau.

Un bon exemple illustratif est celui des propriétaires d’esclaves américains, qui gardaient des esclaves à la peau plus claire dans la maison pour effectuer des travaux mineurs, tandis que ceux à la peau foncée étaient maltraités et envoyés dans la plantation. Ce faisant, ils conféraient un statut spécial aux esclaves à la peau plus claire, et cela n’est pas passé inaperçu. En conséquence, pendant des années après la fin de l’esclavage, le colorisme persiste toujours dans les communautés noires.

Quant aux colonies africaines, les colons les jugeaient « non-civilisés » et sauvages et utilisaient la religion pour les coloniser sur la base de leur couleur. Ainsi, il ne faut pas s’étonner que cela persiste et crée du colorisme dans les anciennes colonies, des années après l’indépendance des pays.


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