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Les « médecins d’après la mort » doivent d’abord aider les vivants

Certaines pratiques au Mali sont révoltantes. Je veux parler de ces interventions de « médecins d’après la mort », ces actes de consolation que nous considérons comme des signes de solidarité. La compassion envers les morts est une bonne chose, mais celle envers les malades encore plus, selon le blogueur Fousseyni Togola.  

J’ai l’impression que nous ne montrons notre compassion à une personne que lorsqu’elle décède. Ainsi, nous sommes devenus tous des médecins qui n’interviennent qu’après la mort. J’en ai marre de cette pratique ! C’est vrai, cela fait des années que j’en suis témoin. Mais, elle ne m’avait pas encore donné à réfléchir jusqu’à tout récemment, à l’occasion du décès de mon tonton Badian.

Alité plus d’une semaine à l’hôpital, il ne travaillait plus. Or, il n’avait pas de grands fils pour assurer les dépenses des nombreuses ordonnances qui tombaient incessamment. Pourtant, rares étaient les visiteurs qui lui remettaient même un billet de 500 francs CFA en guise de solidarité.

Aide aux sacrifices

Mon tonton n’a pas pu se relever de sa maladie contre laquelle il s’était battu durant une semaine et un jour. La mauvaise nouvelle s’est répandue dans tout le quartier. Devant sa maison à Sébénikoro (quartier populaire de Bamako), des tribunes ont été dressées pour accueillir les amis, voisins qui viendront faire des bénédictions. Certaines connaissances ont remis à l’aîné de la famille qui 1000 francs CFA, qui 5 000 francs en guise de contribution aux dépenses des sacrifices pour le repos de l’âme du défunt.

J’ai ouvert grand mes yeux aux environs de 15 heures lorsqu’il il y avait maintenant de plus en plus d’hommes. Et les mains d’Issa commençaient à être pleines de billets de banque. L’imam est alors arrivé alors pour son sermon. Du côté des femmes, des cris de désespoir se faisaient entendre. Dans son prêche, l’imam a commencé par inciter les amis et connaissances, voire les fils du défunt à aider la famille endeuillée à faire face aux sacrifices pour le repos de l’âme du défunt, comme si ceux-ci n’en avaient pas les moyens.

Pourquoi attendre la mort ?

J’aurais voulu que cela soit une séance de cours en classe pour lever le doigt et vociférer toute mon indignation. La question que je n’ai pas cessé de me poser était que si, Alité, le défunt avait eu une telle aide, n’aurait-il pas pu vaincre sa maladie ? Pourquoi attendre la mort pour se montrer compatissant ?

S’il s’agit d’une recommandation religieuse, toutes les religions ne nous incitent-elles pas à la solidarité, qui est d’ailleurs une valeur morale ? Toutefois, j’ai fini par me convaincre que ce comportement était atavique au Mali dans la mesure où nous sommes connus pour notre respect des morts.

Ceux-ci sont assez vénérés dans la plupart des sociétés maliennes. Mais, qu’à cela ne tienne, il convient de cultiver davantage l’entraide, d’exprimer également notre solidarité envers les malades. Cela pourrait permettre de sauver des vies qui manquent de moyens pour faire face à leurs frais d’ordonnances, comme c’était le cas de mon tonton.

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