Mali : toilettes publiques adaptées aux femmes handicapées, une urgence
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Mali : toilettes publiques adaptées aux femmes handicapées, une urgence

L’accès des femmes handicapées aux installations sanitaires reste souvent un problème négligé, limitant ainsi leurs droits à la santé sexuelle et reproductive.

Imaginez une femme souffrant d’un handicap moteur, obligée de se trainer par terre pour accéder aux toilettes. Imaginez une non-voyante obligée de toucher tous les recoins d’une toilette publique pour faire ses besoins. Maintenant, rappelez-vous du niveau d’hygiène dans les toilettes publiques. En plus d’être mal entretenues, les toilettes n’ont pas de rampes d’accès ni de portes suffisamment larges. Des espaces pour les fauteuils roulants ? Presque toujours absents, encore moins de pots adaptés aux personnes de petite taille.

Au Mali, et même au-delà, les toilettes publiques sont souvent dépourvues d’installations adaptées aux personnes handicapées en général, et aux femmes en particulier. Or, un acte qui paraît banal pour beaucoup d’entre nous nécessite une grande réflexion pour ces femmes et ces filles. Avant d’aller en ville, aux rencontres ou aux formations, certaines interrogées confient s’assurer toujours d’avoir le ventre creux. « Nous nous privons de nourriture et de boissons avant de sortir de la maison, car nous avons peur d’avoir besoin d’aller aux toilettes sachant ce qui nous attend dans les toilettes publiques », confie Djénèba Cissé, non-voyante.

Risques sanitaires

« Le fait que les femmes et les filles limitent souvent leur consommation de boissons ou d’aliments pour retarder leur besoin d’aller aux toilettes contribue à augmenter divers risques pour leur santé et nuit à leur qualité de vie. Elles attendent également que la nuit tombe pour se soulager à l’air libre, ce qui peut être dangereux. Cet aspect mérite d’être plaidé auprès des services qui luttent contre la défécation à l’air libre », affirme Moussa H. Traoré, médecin en santé publique.

La non-adaptation des toilettes publiques aux femmes et aux filles handicapées comporte de nombreux risques. Cela dénote également du déni ou de l’omission de la question des droits des femmes et des filles handicapées. « Ces femmes et ces jeunes filles sont exposées aux maladies. Il y a des handicapées qui se trainent par terre pour entrer dans les toilettes. Vu la détérioration des toilettes et le manque d’hygiène, elles sont exposées aux infections urinaires et aux dermatoses ainsi qu’à la diarrhée», explique Haby Doumbia, chercheuse en santé de la reproduction.

Au-delà de ces risques, le médecin Moussa H. Traoré a également mis l’accent sur les traumatismes physiques (chute de la personne handicapée) et psychologiques. « La personne handicapée pourrait penser qu’elle ne représente rien au sein de la société, reprochant à celle-ci de ne rien faire pour lui faciliter la vie », poursuit-il.

Prise de conscience 

La famille et la société doivent prendre conscience de l’ampleur du problème d’accès aux toilettes pour les femmes et les filles handicapées. Elles doivent contribuer à faciliter cet accès et à préserver la santé de ces personnes. Elles doivent aussi donner l’exemple. « Les personnes valides elles-mêmes n’arrivent pas à entretenir leurs toilettes publiques, qu’est-ce qu’on pourra espérer d’elles ? Nos familles ne sont pas conscientes de nos besoins en matière de santé sexuelle et nos problèmes ne sont malheureusement pas leur priorité », déplore Tenimba Sinayoko, jeune femme albinos.

Étant donné que les toilettes ne sont pas adaptées aux conditions de ces femmes et filles, ceux qui sont censés les accompagner diront qu’ils auront trop d’efforts à fournir pour les assister. « Lorsqu’on souffre d’un handicap, même tes propres enfants refusent de t’assister dans les toilettes, du coup c’est très compliqué pour certains. Pareil pour certains agents de santé. Ils traitent très mal les personnes handicapées, même lorsqu’ils sont nés d’une mère handicapée », témoigne Sokona Sylla, malvoyante.

Pour améliorer la situation, des initiatives gouvernementales, des partenariats publics-privés et des programmes d’éducation sanitaire sont nécessaires pour garantir des toilettes publiques accessibles, sûres et bien entretenues dans tout le pays.

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