Excisée à 2 ans, la petite Djoba souffre d’incontinence urinaire. Elle ne peut ni partir à l’école ni jouer avec ses camarades correctement à cause des séquelles de la mutilation génitale féminine.
« N’mah[maman], ma sonde a fait une fuite », lâche la petite Djoba. Le visage innocent de l’adolescente dissimule mal la tristesse. Elle porte une sonde, un tube plastique utilisé pour évacuer l’urine contenue dans la vessie.
En partance à Koulikoro, à la rencontre des survivantes de mutilations génitales féminines, nous avons fait escale dans le village de Kayo, à 58 km de Bamako. Après nous être installés, nous apercevons une femme, dans la trentaine, venir vers nous, un bébé au dos et une fillette qu’elle tenait par la main, se diriger vers nous. La maman de la petite Djoba était venue son mea-culpa pour avoir fait subir cette horrible expérience à sa fille.
La démarche de la petite qui nourrit le rêve de devenir restauratrice, est insoutenable. Les jambes écartées, sous une longue robe en wax, elle s’assoie sur une chaise sans dire un mot. « Depuis le matin elle se plaint de son ventre, transpire et pleure. C’est maintenant qu’elle a pu se tenir debout », raconte sa maman.
Kadidia Koné a amené sa fille chez l’exciseuse il y a six ans de cela. Après des complications, elle est retournée voir l’exciseuse, qui a décliné toute responsabilité. « Ma petite n’arrivait plus à uriner, les analyses ont démontré que c’était dû à l’excision. Depuis, sa vie est entre les hôpitaux », explique Kadidia.
Souffrance et incertitude
Le médecin traitant de la petite Djoba m’a dit qu’elle souffrait d’une vessie neurologique. Elle a des troubles liées à l’énervation ou à la vascularisation de sa vessie. Alou Diarra, gynécologue-obstétricien, est interne au C.S.Ref de Koulikoro. « Je reçois beaucoup de survivantes de l’excision. Très généralement, les séquelles se ressentent des années après, précisément après le mariage. Ces patientes souffrent dans leur vie intime et les maris se plaignent soit d’insatisfaction ou n’arrivent pas à pénétrer leurs épouses », témoigne le praticien.
Selon le médecin, il est fort probable que le traitement de la petite dure encore sept ans. Si les muscles se développent à l’adolescence, elle aura plus de chance de guérir. Mais, c’est une hypothèse, nuance le gynécologue-obstétricien.
En attendant, la petite Djoba est constamment collée à sa maman. Elle ne peut plus fréquenter l’école comme ses camarades. Au moment de nous quitter, elle nous fixe avec maturité et nous dit : « Puisse Dieu rendre votre route agréable ! ». J’espère que ce même Dieu soulagera sa souffrance.