Le roman Les impatientes de l’écrivaine camerounaise, Djaïli Amadou Amal, sacré prix Goncourt des lycéens 2020, est un récit truculent sur le destin de trois jeunes femmes victimes des affres du mariage forcé et de la polygamie.
Le mariage n’est-il pas un évènement heureux pour les deux cœurs qui s’unissent ? Les trois héroïnes de Les impatientes (Éditions Emmanuelle Collas, 2020) vivent le contraire, voire le pire qu’on puisse imaginer dans un mariage. Le livre relate, en effet, l’histoire truculente de la vie conjugale de trois jeunes femmes : Ramla, Hindou et Safira obligées, selon la tradition et les croyances religieuses d’accepter et de subir les violences conjugales : le viol, les coups et l’humiliation.
« Cet ouvrage est une fiction inspirée de faits réels », prévient l’auteure d’entrée de jeu. La trame du roman se déroule dans la ville de Maroua, au nord du Cameroun, dans une communauté musulmane peule. Une communauté conservatrice au sein de laquelle dominent la tradition et la religion. Le leitmotiv utilisé pour maintenir les femmes dans le foyer est « patience ». Les parents, ami(es), maris, belle-famille, tous ressassent le même mot face à la souffrance de ces jeunes épouses « […] car la patience est une vertu ».
L’enfer de la polygamie
Ramla et Hindou sont deux sœurs dont le mariage est célébré le même jour. Contrairement à sa jeune sœur, Ramla fréquente l’école, a des ambitions et un projet de mariage avec son jeune fiancé. Mais son père l’arrache à ce rêve et l’oblige à épouser un homme beaucoup plus âgé qu’elle, mais qui a une assise financière solide et déjà marié. Mariée de force, elle découvre l’enfer de la polygamie entretenu par sa coépouse Safira, qui mettra en place toutes sortes de stratagèmes, même les plus inimaginables, pour éjecter du foyer conjugal sa « jeune et belle coépouse » qui, selon elle, lui vole sa place de femme préférée.
À force d’être bousculée par Safira, Ramla subira une fausse couche qui la brisera à jamais. N’ayant aucun soutien, même pas celui de ses parents, elle ose l’impensable dans cette société : quitter son foyer et rejoindre son premier fiancé avec qui elle compte vivre désormais sa vie en toute liberté, quitte à le faire sans la bénédiction de ses parents.
Mariée également de force à son cousin Amadou, violent et infidèle, Hindou connaitra quant à elle une vie de foyer traumatisante. Elle vit un cauchemar. Les couleurs sont annoncées dès la nuit de noces durant laquelle elle est battue et violée par son époux. Ce dernier, un drogué et chômeur, ne trouve désormais du plaisir et deu sens à sa masculinité qu’en violentant son épouse.
Au-delà du viol et d’autres formes de violences, le mari de Hindou amène d’autres femmes dans leur lit conjugal au grand désarroi de sa femme impuissante. La femme n’a pas droit à l’infidélité, mais l’homme oui. Psychologiquement affectée par le comportement irresponsable et indécent de son mari, la souffrance de la jeune dame vire à la démence.
Une société complice
La polygamie et le mariage forcé et précoce sont des pratiques courantes dans les sociétés en Afrique subsaharienne. Dans Les impatientes, le sort de ces femmes se joue sous le regard complice de la société. La femme n’a aucun droit de se plaindre ou de dénoncer ce qu’elle subit dans le mariage et l’époux à tous les droits sur elle.
Dans cette littérature sincère et subtile, l’auteure a opté pour un style simple, dénué de toutes fioritures. L’originalité des personnages colle parfaitement à l’intrigue du livre qui embarque le lecteur dans un voyage, à la fois choquant et ahurissant, duquel il sort la tête chargée de questions sur la condition féminine dans nos sociétés.
je t’aime ***