L’excision perdure au Mali, au grand dam des organisations de défense des droits des femmes, engagées dans un bras de fer judiciaire avec l’État.
Le Mali est placé dans la zone rouge à cause de la pratique accrue des mutilations génitales féminines (MGF) dont l’’excision. Plus de 200 millions de filles dans le monde sont touchées par cette pratique. Selon l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance), si les efforts ne sont pas intensifiés de manière drastique au niveau mondial, le nombre de filles et de femmes victimes de MGF sera plus élevé en 2030.
Au Mali, l’enquête démographique et de santé (EDS V) estime le taux de prévalence de l’excision à 89% chez des femmes de 15 à 49 ans, avec un taux plus accru dans les régions du sud. La majorité d’entre elles sont excisées avant l’âge de 10 ans. Selon toujours l’EDS V, 81% des femmes sondées pensent que l’excision doit continuer au Mali. Ce qui pousse à croire que les femmes sont les premières actrices de la pratique.
Remous sociaux
Il existe, au Mali, le PN-VBG (Programme national pour l’abandon des violences basées sur le genre), une structure étatique ayant pour missions la prévention, la coordination, le suivi et l’évaluation de toutes les actions pour l’abandon des VBG au Mali. Le PN-VBG vient remplacer le programme national de lutte contre l’excision créé en 2002 par l’État.
Le PN-VBG était chargé de concevoir une stratégie et une politique nationale de lutte contre l’excision. Ce programme a initié, avec ses partenaires de la société civile, un avant-projet de loi sur l’abandon des mutilations génitales féminines qui butte à la pression de leaders religieux.
Selon Saliki Coulibaly, chargé « suivi évaluation » au PN-VBG, « il fallait réviser certaines parties de cet avant-projet de loi » dont l’adoption a été retardée par des remous sociaux.
Plainte contre l’État malien
Malgré des années de plaidoyer et de sensibilisation, l’abandon de cette pratique peine à obtenir l’adhésion des autorités religieuses et coutumières. Selon Bintou Coulibaly, présidente de l’APDF (l’Association pour le progrès et la défense des droits des femmes), l’absence de loi interdisant l’excision au Mali fait du pays une destination pour les pays limitrophes où l’excision est interdite.
Une des raisons pour lesquelles l’APDF ainsi que d’autres organisations non gouvernementales ont porté plainte contre l’État du Mali devant la Cour de justice de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).
La pratique des mutilations génitales féminines par le corps médical a été interdite par le ministère de la Santé, de la Solidarité et des Personnes âgées à travers la lettre circulaire N°0019 du 7 janvier 1999.
Mais, il n’existe toujours aucune loi au Mali punissant la pratique de l’excision. Selon plusieurs défenseurs des droits des femmes, une législation contre l’excision n’arrive pas à gagner l’adhésion des populations elles-mêmes. Aussi, plusieurs leaders religieux sont opposés à un tel projet sur fond d’amalgame.
« Plus de traditionalistes que de croyants »
« Pas un seul jour, je n’ai été pour l’excision. Ce n’est pas dans le Coran. La vérité est qu’au Mali, il y a plus de traditionalistes que de croyants (musulmans et chrétiens). Ils ont pris la tradition et en ont fait une religion. Ils veulent être dans la religion, sans sortir de la tradition. Aucun bamanan n’est aujourd’hui plus musulman que bamanan », a expliqué l’imam Thierno Hady Thiam, président de l’Alliance des leaders religieux musulmans et chrétiens du Mali, lors de la journée de plaidoyer de haut niveau pour l’abandon des VBG.
« Nous faisons des séminaires dans nos communautés respectives pour leur faire comprendre le rôle de la religion sur les questions de genre et de violence. Nous faisons aussi des séminaires de couple où nous abordons des sujets tels que le mariage précoce, la violence conjugale ou l’excision. L’abandon de l’excision est un combat commun. Nous avons beau sensibiliser, maintenant il faut une loi pour nous appuyer », plaide Jérôme Tienou, membre du bureau exécutif de l’Alliance.
Ultimatum
Suite à la plainte des ONG, la Cedeao aurait lancé un ultimatum à l’État malien afin de prendre des mesures contre les MGF. « Ils nous suivent et attendent que cet ultimatum soit atteint avant toute chose. Mais on aurait voulu vraiment que d’ici fin 2021, nous puissions aboutir à quelque chose. Le processus est déjà déclenché. Sans les précédents évènements au Mali, nous aurions beaucoup avancé sur la question», explique Saliki Coulibaly.
Le Mali a ratifié plusieurs conventions et traités internationaux et régionaux relatifs à la protection des enfants et des femmes, sans pour autant les mettre en œuvre.