Le blogueur Ayouba Sow tire la sonnette d’alarme sur la situation des écoles, devenues la cible des groupes armés terroristes, dans le centre, le nord et très récemment dans le sud du pays. Pour lui, cela risque de compromettre l’avenir de millions d’enfants et, par ricochet, du Mali.
En juin 2018, le dernier rapport de l’Unicef sur la situation des écoles faisait état de 750 écoles fermées et deux millions d’élèves privés de leur droit à l’éducation. Un droit garanti pourtant par la loi fondamentale du pays. Plus qu’un droit, l’article 18 de la Constitution du 25 février 1992 stipule que « tout citoyen a droit à l’instruction. L’enseignement public est obligatoire, gratuit et laïc. » Si ces chiffres de l’Unicef ne concernent que le Centre (Ségou, Mopti) et le Nord, les écoles sont devenues, en fin 2018, la cible des groupes armés terroristes dans la région de Koulikoro, à environ 220 km de Bamako, la capitale.
Les autorités semblent oublier cet article fondamental de la Constitution, qui assure à la République un avenir serein. Depuis la crise multidimensionnelle de 2012, les régions du nord et du centre du pays sont transformées en enfer terrestre pour leurs habitants. Après 9 mois d’occupation djihadiste, des régions du Nord ont été libérées par une intervention militaire franco-africaine en 2013. Les ennemis de la République ont alors changé de stratégie. N’ayant aucune zone sous leur loi d’un autre monde, les terroristes sévissent dans ces régions en loups solitaires ayant pour cibles les symboles de la République et leurs défenseurs.
L’école n’est pas un privilège mais un droit
Depuis 2012, les enfants de la région de Kidal n’avaient plus accès à l’éducation, jusqu’à ce que l’école reprenne ses droits en 2016. Dans les régions de Tombouctou, Gao, Mopti et Ségou, des centaines d’écoles sont pourtant fermées par les « marchands du chaos », qui n’ont qu’un seul objectif : mettre la République à terre. Pour cela, ils s’attaquent au pilier du développement qu’est l’école. Dans une analyse publiée en 2017, l’Institut d’études de sécurité expliquait que la « mise à mal de l’éducation par le terrorisme », qui touche également des localités dans le nord du Burkina Faso, est une stratégie des groupes armés terroristes pour étendre leur influence dans le Centre.
Une question mérite d’être posée : les groupes armés terroristes sont-ils plus intelligents que les responsables politiques maliens ? Si on peut répondre par la négative, cela signifierait qu’à l’image des terroristes, les responsables politiques sont aussi des ennemis cachés de la République. Ils seraient alors animés de mauvaise foi. Sinon, ils ne ménageraient aucun effort pour offrir aux enfants des autres, les mêmes droits à l’éducation qu’à leurs enfants. L’école n’est pas un privilège : c’est un droit ! La responsabilité incombe aux gouvernants d’œuvrer pour l’accès à ce droit pour tous les citoyens.
Les conséquences à long terme
L’école est le socle de la citoyenneté. C’est dans ce lieu symbolique qu’on apprend aux enfants l’amour du pays et le don de soi à la nation. L’école nous apprend notre conduite pour pouvoir servir le pays et toute l’humanité. Elle nous enseigne notre histoire et nous donne une compréhension du monde. Sans école, comment ces millions d’enfants pourront acquérir ces valeurs indispensables à leur éducation et leur réalisation ?
Si ce système perdure plus de cinq ans encore, le pays n’aura plus de relève pour assurer le fonctionnement de ses structures économique, sanitaire et éducative qui sont déjà loin d’être des références dans la sous-région. Nous tanguons du mal vers le pire. Après avoir échoué dans l’encadrement des universités, le pays n’arrive plus à faire face aux problèmes de l’enseignement primaire et secondaires paralysé, entre autres, par les grèves interminables.
Avec cette génération privée d’éducation, comment les Maliens se soigneront-ils dans l’avenir ? Tant que les autorités ne prendront pas au sérieux le problème de l’éducation, les jeunes continueront à quitter le pays pour la France, le Canada et le Maghreb pour des études de meilleure qualité. Les nantis continueront à aller se soigner en France et en Tunisie. Les multinationales viendront tout exploiter sous les regards impuissants des Maliens. Les communautés continueront aussi d’être manipulées par les politiques.
Le futur se prépare dans le présent. Si, nous les Maliens, nous voulons être souverains demain, il faut dès aujourd’hui offrir aux enfants les meilleures conditions d’apprentissage en commençant par l’ouverture des écoles, sans délai, dans le centre et dans le nord du Mali. La qualité de l’éducation nationale d’un pays dessine son avenir.