Le samedi 23 février, Benbere a organisé le deuxième numéro de « Benbere Benkan », une rencontre d’échanges sur l’application de la peine de mort. Au Mali, le débat sur l’application de la peine capitale reste très vif depuis l’assassinat, le 19 janvier, de l’imam Abdoul Aziz Yattabaré, secrétaire général adjoint du Haut-conseil islamique du Mali. Le samedi 26 janvier 2019, au cours d’un meeting regroupant 4 000 personnes, un collectif d’associations musulmanes a réclamé son application, suspendue pourtant depuis des décennies. Dans ce billet, Tièkorobani, connu aussi dans la presse pour ses chroniques décapantes, explique les raisons pour lesquelles le moratoire de fait sur l’application de la peine capitale doit être maintenu.
La peine de mort est issue des plus vieux textes religieux, la Bible et le Coran, qui édictent le principe que quiconque tue sans droit sera tué en retour.
La philosophie qui sous-tend la peine capitale est double : elle est afflictive en ce qu’elle venge la société en infligeant une douleur au coupable ; elle est aussi infamante car elle stigmatise celui qui la subit afin que nul n’ait envie de l’imiter.
En raison de la double philosophie susvisée, la peine de mort a été adoptée par le Code pénal malien pour sanctionner de nombreux crimes : assassinat, complot, trahison, atteinte aux biens publics, etc.
Dans le principe, je ne conteste pas le bien-fondé de la peine de mort comme instrument de dissuasion, de répression et de réparation en matière criminelle. Mais dans le contexte actuel du Mali, l’application d’une telle peine poserait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Elle conduirait même très probablement à des dérives plus graves que la criminalité qu’elle voudrait combattre.
Défiance envers l’appareil judiciaire
En effet, l’État malien, du fait qu’il ne contrôle pas le nord du pays, n’a pas la force d’appliquer la peine de mort aux membres de la Coordination des mouvements et de l’Azawad (CMA), lesquels, pour avoir pris les armes contre leur pays, sont passibles de mort au sens du Code pénal malien.
Alors, si les membres de la CMA, bien que Maliens, doivent, du fait de leur seule puissance militaire échapper à la peine capitale, quelle équité y aurait-il à l’appliquer à d’autres Maliens ? Ce serait là une justice à double vitesse contraire à l’article 2 de la Constitution du Mali qui proclame l’égalité de tous les citoyens en droits et devoirs…
Par ailleurs, la défiance des Maliens envers leur appareil judiciaire va grandissant du fait des décisions contestables rendues dans tous les domaines. Logiquement, on ne pourrait pas reprocher à cet appareil de rendre journellement des décisions critiquables et, au même moment, espérer qu’elle distribue la peine de mort de manière exemplaire !
Il y a, enfin, le risque que la peine de mort, dans une démocratie balbutiante comme celle du Mali, serve de prétexte aux dirigeants pour régler des comptes politiques. Surtout dans les périodes pré ou post-électorales lourdes de crises. Pour toutes ces raisons, il conviendrait de maintenir le moratoire de fait que le Mali observe depuis 1980 sur l’exécution de la peine de mort.