Une vidéo montrant plusieurs civils tués devant les caméras circule dans plusieurs groupes WhatsApp au Mali. Contrairement à la description qui accompagne la séquence, la scène ne s’est pas passée en Turquie, mais plutôt à Tadamon, dans la banlieue sud de Damas, en Syrie, en avril 2013.
La séquence de 4 minutes est particulièrement atroce. Elle est accompagnée par cette fausse légende : « Des entrepreneurs turcs fusillés pour avoir mis des pneus en dessous des immeubles au lieu des amortisseurs sismiques. Le bilan du dernier de tremblement en Turquie est sans appel. Comme pour dire que la corruption détruit tout dans un pays. »
La vidéo est diffusée dans les groupes WhatsApp après les terribles séismes qui ont endeuillé la Turquie et la Syrie en février dernier. Ils ont fait plus de 50 000 morts. BenbereVerif a effectué une recherche inversée à l’aide de captures d’écran faites à partir de la vidéo. Nous avons pu remonter à l’origine de la vidéo publiée par le journal britannique The Guardian, le 26 avril 2022. Et sur cette chaine YouTube.
« Ces images montrent un massacre commis dans la banlieue sud de Damas, début 2013, explique Martin Chulov, le correspondant du journal britannique au Moyen-Orient. Nous apercevons un groupe de prisonniers, les yeux bandés, menottés, conduits vers une fosse préalablement creusée, à qui on demande de courir vite. Lorsqu’ils courent, ils sont tués par balles par un officier des services de renseignements syriens. »
Vidéo des services de renseignements syriens
D’autres recherches sur Google, à partir des mots clés « Tadamon » et « Guardian » nous ont conduits vers les chercheurs qui ont divulgué la vidéo : Uğur Ümit Üngör, chercheur associé au NIOD (Institute of War, Holocaust & Genocides Studies de l’université d’Amsterdam) et sa collègue syrienne Annsar Shahhoud, chercheuse sur la violence de masse dans le conflit syrien.
En 2019, alors que Uğur Ümit Üngör participait à une conférence universitaire à Paris, il y rencontra un activiste syrien. Ce dernier lui remit 27 vidéos exfiltrées d’un ordinateur des renseignements militaires syriens par un jeune milicien proche de Bachar al-Assad.
Après trois ans d’investigations, l’équipe de chercheurs parvient à identifier le lieu du massacre et identifier l’un des bourreaux, Amjad Youssuf, un jeune officier des renseignements de Damas, à qui les chercheurs ont pu parler et qui a reconnu son implication dans ces atrocités de masse.
Aucun lien avec le tremblement de terre en Turquie
La séquence rendue publique à cette date montre, selon les chercheurs, le massacre de 41 personnes. Au total, 288 personnes ont été abattues à Tadamon, ensuite brulées.
Suite à ces révélations, les autorités syriennes ont démenti, parlant de « fake news ». Dans ce rapport de l’Observatoire syrien des droits humains, on apprend que le principal tueur aurait été arrêté par les autorités syriennes en mai 2022. Un article du Guardian, publié le 28 octobre 2022, remet en cause cette présumée arrestation. L’officier identifié dans la vidéo comme le principal tueur continue d’exercer sur une base militaire à l’extérieur de Damas, selon le journal britannique.
En conclusion, la vidéo n’a rien à voir avec le tremblement de terre survenu en Turquie et dans une partie de la Syrie, début février 2023.