Depuis plusieurs semaines, des informations en provenance de la région de Mopti font état de l’apparition de la fièvre hémorragique Crimée-Congo dans le district sanitaire de Korientzé (commune de Korombana), dans le cercle de Mopti. Benbere vous donne quelques explications. Ce travail de vérification de Benbere est fait en partenariat avec Internews.
Ce 5 février 2020, à Mopti, après une réunion de crise avec le gouverneur de la région, Général Abdoulaye Cissé, des rumeurs circulant sur les réseaux sociaux au sujet d’une maladie ont été confirmées par la direction régionale de la santé. Selon elle, une épidémie de fièvre hémorragique de Crimée-Congo est apparue dans le village de Kéra (Korientzé), au début du mois de janvier.
Le 2 février, le premier rapport de l’équipe d’investigation faisait état de la mort de sept personnes sur un total de 14 cas confirmés de porteurs du virus dans le district sanitaire de Mopti. Depuis, les spéculations vont bon train sur les réseaux sociaux, notamment dans les groupes WhatsApp sur le nombre de morts, les modes de contamination et sur un éventuel traitement de la maladie.
Intox
Les premières intox sont des accusations sans preuve sur une prétendue implication des forces étrangères. Des posts sur Facebook indiquaient : « Un chinois porteur a t-il parachuté là-bas ou bien les forces étrangères ont-ils introduit le virus du coronavirus au Mali? Ils sont capables.»
Ces interrogations traduisent une méconnaissance de la maladie. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), «la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) est une maladie courante provoquée par un virus (Nairovirus) de la famille des Bunyaviridés, transmis par les tiques. Il provoque des flambées de fièvre hémorragique virale sévère, avec un taux de létalité de 10 à 40%.»
Elle est endémique en Afrique, dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Asie, dans les pays en deçà du 50e degré de latitude nord, limite géographique de la principale espèce vectorielle, une tique.
Historique et origine
L’historique du virus au Mali, indique la direction nationale de la santé publique dans une lettre circulaire datée du 4 février, remonte à 1991 à Baguineda (Koulikoro) avec une séroprévalence de 4,5% sur un total de 228 personnes.
L’origine de cette nouvelle fièvre dans la cinquième région se situe dans la commune rurale de Dialloubé. C’est un éleveur infecté, qui a transporté le virus de cette zone à Kéra où se trouve sa famille.
La méconnaissance de la maladie et la peur d’être infecté par le virus a donné lieu à beaucoup de supputations. Des folles rumeurs ont circulé dans la ville de Mopti pour inciter les populations à éviter les centres de santé abritant les malades.
Pour en savoir plus sur les dangers que risque la population en se rendant dans les centres de santé, Dr Hassane Haïdara du Centre de santé de référence de Mopti, nous a donné des explications. « Les tiques sont les agents vecteurs de la maladie, explique-t-il. Quand les tiques transmettent le virus aux animaux, ça ne manifeste aucun signe clinique. Mais la manifestation clinique est évidente chez l’homme avec une fièvre, une fatigue générale…»
Selon lui, la transmission du virus se fait par contact direct : soit lors de la manipulation du sang ou de la viande des animaux, ou lorsqu’on entre en contact avec les sécrétions des patients infectés. Il ajoute qu’« aucun agent de santé n’a été infecté par le virus » pour couper court aux rumeurs.
Taux de létalité
Avant la visite de Michel Sidibé, ministre de la Santé, à l’hôpital régional de la ville de Mopti, le 9 février, une lettre circulaire avait été envoyée à toutes les structures sanitaires concernant les dispositions à prendre face à la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Nous avons pu constater l’affichage de cette lettre à l’entrée des structures sanitaires visitées. Mais à part la zone d’isolement des malades au niveau de l’hôpital régional et au niveau du Centre Gavardo, on ne remarque pas un autre grand changement au sein de ces structures sanitaires, qui ont reçu les premiers patients porteurs du virus.
Le taux de létalité du virus est compris entre 1 à 15% chez les patients hospitalisés, selon l’OMS. A ce jour, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo n’a pas de vaccin, mais l’administration de la ribavirine (un antiviral) semble efficace, que ce soit par voie orale ou intraveineuse. Des patients peuvent guérir de la maladie. Après sa visite des patients hospitalisés, le ministre de la Santé affirmait que la vie de certains malades n’était probablement plus en danger.