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Mort d’Aly Sangaré à Mopti : ce que l’on sait de l’affaire
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Dans la ville de Mopti, la jeunesse réclame justice pour Aly Sangaré, décédé 24h après son interpellation par la police en patrouille dans le cadre du couvre-feu. Certains, à Mopti, accusent la police d’avoir fait subir à Aly Sangaré des violences qui seraient la cause de sa mort. Le commissariat de police de Mopti demande des preuves. Ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’ « affaire Aly Sangaré » agite la « Venise malienne ». 

La tension est montée d’un cran entre la jeunesse de la ville de Mopti et les agents du commissariat de police. En toile de fond : le décès d’un  jeune du nom d’Aly Sangaré. Ce vendredi 10 avril 2020, une foule nombreuse, composée d’amis et de membres de sa famille, ont conduit à sa dernière demeure Aly Sangaré, décédé dans la nuit du jeudi 9 avril. Certains ont conclu  à une « bavure policière », accusant les agents de la police en patrouille d’avoir tabassé Aly Sangaré lors de son interpellation. 

Que s’est-il passé ?

Dans la nuit du mercredi 8 avril, Aly Sangaré a été arrêté dans la célèbre rue Maurepas par les agents de la police en patrouille, après 21h passées, dans le cadre du couvre-feu décrété par le gouvernement depuis l’irruption de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus. Dans la nuit du jeudi 9 avril, Aly Sangaré, la quarantaine, deux femmes et 6 enfants, est décédé chez lui. Son corps a été transporté à la morgue du Centre de santé de référence de Mopti. Sur les réseaux sociaux, les premières réactions ont conclu à une « bavure policière », réclamant « justice pour Aly Sangaré ».  

A Mopti, depuis l’instauration du couvre-feu et la chaleur qui sévit, beaucoup de gens se réfugient sur les toits des maisons avec une vue sur la ville. Ainsi, c’est de leur toit que certains disent avoir observé la scène décrite comme étant celle de l’interpellation du défunt Aly Sangaré. Si dans un  premier temps la plupart des témoins ont décidé de garder le silence, la dernière intervention du commissaire de police Boubacar Fané, sur l’antenne locale de la Radio Jamana, a poussé certains à raconter les scènes qu’ils ont pu observer. «J’ai été témoin de l’arrestation d’Aly Sangaré. L’action s’est passée non loin de mon lieu de travail. Il été poursuivi par des éléments de la patrouille, qui l’ont arrêté avec sa moto. Il a reçu plusieurs coups avant d’être embarqué dans le véhicule des policiers.», témoigne Adama Samaké, un tailleur à Monssinkoré, quartier de la ville de Mopti. 

Oumar Maïga, qui dit n’avoir pas vu le début de la scène, ajoute : « Lorsque, soudain, nous avons entendu un cri, nous avons essayé d’en savoir plus. L’action s’est passée dans la rue Maurepas. J’ai moi-même vu les policiers en train de frapper un homme (il n’a pas précisé l’objet avec lequel les agents le frappaient, ndrl) et lui donner des coups de pieds. C’est lorsque le véhicule des policiers est passé près de notre maison que j’ai reconnu Aly Sangaré. Ils ont également pris sa moto avec eux». 

Nous avons pu rencontrer un membre de la famille du défunt, qui a demandé qu’on lui garantisse l’anonymat. Selon lui, Aly Sangaré a été « tabassé » par les éléments de la police. «On a pu l’amener dans une clinique privée pour recevoir des soins au lendemain de son arrestation par la police. Il se plaignait de douleur au niveau de son dos et de ses jambes», confie-t-il. Il nous a montré des images sur lesquelles apparaissent des traces de blessures sur un corps décrit comme étant celui d’Aly Sangaré, filmées à la morgue du Centre de santé de référence de Mopti. 

Comment la police a réagi ?

Le commissaire Boubacar Fané a dénoncé, le samedi 11 avril, les accusations de « bavure policière » portées contre ses agents et nié toute « violence contre les populations » dans la ville depuis le début des patrouilles dans le cadre du couvre-feu. « Mes agents ont arrêté des individus dans la nuit du mercredi. Le nommé Aly Sangaré faisait partie des personnes qui ont passé la nuit au commissariat avant d’être libéré le lendemain», a expliqué le commissaire Boubacar Fané, sur les antennes de nos confrères de la Radio Jamana. «Nous invitons toutes les personnes victimes de violence à venir témoigner au commissariat», a-t-il ajouté.

Après la diffusion des images sur les réseaux sociaux montrant des blessures sur un corps dont on dit qu’il est celui d’Aly Sangaré, nous avons rencontré le commissaire. «Jusqu’à preuve du contraire, a expliqué M. Fané, nous n’avons pas reçu de preuves des accusations à l’encontre de la police. Mais, malgré cela, nous avons nous-mêmes ouvert des enquêtes qui sont en cours dont je ne vais pas pouvoir dévoiler le contenu. Mais, j’ai demandé à tous ceux qui ont des preuves de les apporter au commissariat. Je n’ai pas reçu les photos ou vidéos dont vous parlez jusqu’à présent.» 

Quelle est la position de la jeunesse ?

Après la mort de Aly Sangaré, des voix se sont élevées pour dénoncer la violence policière dans la ville de Mopti depuis l’instauration du couvre-feu. Pour beaucoup de personnes, la mort d’Aly Sangaré est tout sauf « naturelle ». 

Les organisations de jeunesse ont décidé de réclamer justice, si tant qu’Aly Sangaré a été victime de violence policière. Le samedi 11 avril, le Conseil régional de la jeunesse (CNJR) a organisé une rencontre sur ce qu’il est convenu d’appeler désormais « l’affaire Aly Sangaré ». « Nous avons rencontré le directeur régional de la police, qui nous a assuré que s’il y a des preuves impliquant des agents, personne ne sera protégé », a expliqué Modibo Traoré, Président du conseil régional de la jeunesse. Il a ajouté qu’outre la rencontre avec l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), recours a été fait à un huissier de justice et les jeunes comptent « saisir le procureur dans les jours à venir.» 

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