Coronavirus : à Mopti, la décision de trop du gouverneur ?
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Coronavirus : à Mopti, la décision de trop du gouverneur ?

Dans la ville de Mopti, sur les mesures prises au niveau national pour limiter la propagation du coronavirus (Covid-19) est venue se greffer une décision du gouverneur considérée par certains comme étant de trop. 

Des mesures préventives ont été édictées par les plus hautes autorités du pays, bien avant l’apparition des premiers cas testés positifs au Covid-19 sur le sol malien. Avec la confirmation des premiers cas positifs, dans la journée du 25 mars, le gouvernement malien a décrété un couvre-feu de 21h à 5h du matin à compter du jeudi 26 mars 2020 sur toute l’étendue du territoire national.

Cette décision, qui s’apparente à un confinement sanitaire partiel qui ne dit pas son nom, a provoqué un bouleversement dans les habitudes des populations. Ne dit-on pas que l’habitude est une seconde nature ? De fait, ces mesures ont transformé des milliers de nos compatriotes couche-tard en casaniers temporaires pour la circonstance.

Économie en détresse

La région de Mopti, vivant sous perfusion économique depuis 2012, s’est vue de nouveau confrontée à un nouveau défi d’ordre sanitaire et hygiénique, même si la localité n’a enregistré pour l’instant qu’un seul cas de coronavirus au sein de la mission onusienne (Minusma). À Mopti, à ces mesures plus ou moins drastiques du gouvernement s’ajoutent les nouvelles décisions du gouverneur de la région pour stopper la propagation du coronavirus.

De fait, outre l’instauration du couvre-feu de 21h à 5h du matin au niveau national, il y a eu la décision du gouverneur de la région, Général Abdoulaye Cissé, portant interdiction de la circulation temporaire de certaines catégories de motos (de plus de 123 m3 et plus entre les villes, villages, fractions et campements dans la région de Mopti jusqu’au 20 avril 2020) pour lutter contre la propagation du Covid-19.

La même décision ordonne également l’interdiction de la vente et le transport de carburant dans les fûts et bidons entre les mêmes agglomérations, sauf dérogation expresse justifiée. L’accès à la ville est déjà interdit au-delà de 19 heures avec une réglementation de la libre circulation des personnes et de leurs biens. Malgré toutes ces mesures prises, l’insécurité reste préoccupante, selon Baba Adiawiakoye, boucher habitant à Mossinkoré. Pire, la ville de Mopti n’est plus régulièrement approvisionnée en denrées de première nécessité par les forains qui venaient chaque jeudi. La présence de la menace terroriste dans la plupart des villages et fractions environnants continue d’asphyxier la bonne pratique et le rendement des activités économiques comme l’agriculture, l’élevage, la pêche et le commerce.

Yoyo des chiffres d’affaires

Mahamadou Koné, juriste de formation résidant à Sévaré, estime que les décideurs doivent tenir compte de la réalité du milieu pour voir l’efficacité des mesures prises. Selon lui, le couvre-feu et les nouvelles mesures prises par le gouverneur contre le coronavirus ne font pas bon ménage, surtout qu’il y a eu une précédente décision du chef d’état-major, qui a fini par être levée. A l’époque, des voix avaient émergé pour alerter sur le fait qu’avec ces mesures les populations seront enclavées, limitées dans leur mobilité et deviendront économiquement dépendante, car il y aura une absence de circulation des biens.

Il y a, à mon avis, trop de mesures qui touchent la liberté  de circulation des populations et qui ne feront qu’aggraver la conjoncture actuelle voire livrer la région à la faim et à la pauvreté. « Les autorités doivent revoir certaines décisions pour abréger nos souffrances. Un retour rapide à la libre circulation des personnes et de leurs biens serait une bouffée d’oxygène pour l’économie d’une région avec des milliers de déplacés et très peu fréquentée pour des raisons alimentaires et sécuritaires », ajoute le juriste.

Pour certains, ces mesures leur imposent désormais de choisir entre se couper un bras pendant la journée pour respecter les mesures d’hygiène préventives pour ne pas s’exposer aux risques de contamination et se couper une jambe de 21h à 5h du matin. En effet, les limiers du commissaire Boubacar Fané font le ratissage de la ville pour le respect du couvre-feu

Flambée du prix des denrées de première nécessité

Labass Coulibaly, dit « Dj Labass » pour les intimes, est disc-jockey et promoteur de spectacles. Il ne sait plus où donner de la tête pour joindre les deux bouts. Avec l’interdiction des rassemblements le jour et le couvre-feu du soir, il se demande comment trouver un juste équilibre dans le bouleversement de son programme d’activités et la chute vertigineuse de son chiffre d’affaires, qui faisait déjà le yoyo à cause de la crise sécuritaire. Le disc-jockey se plaint également de la flambée du prix des denrées de première nécessité et des gels hydro-alcooliques, masques de protection et autres accessoires de prévention contre le coronavirus. « Mon souhait est que les autorités de régulation des prix sur le marché puissent sévir contre les spéculateurs. », confie-t-il.

« Ces mesures restrictives doivent être suivies d’un soutien financier pour chaque ménage et d’un bon nombre de gestes d’accompagnement de la part du gouvernement pour assister les populations. Comme c’est le cas dans certains pays limitrophes du Mali également touchés par le coronavirus », affirme Mme Togola Adja Djiguiba, gargotière sur la digue de Mopti. Avant d’ajouter : « Nous vivions déjà dans des conditions très difficiles avant l’apparition de ce virus. Si rien n’est fait, nous risquerons de mourir de la faim et de la pauvreté par crainte de ne pas contracter le coronavirus. Je suis pour le respect des mesures d’hygiène préventives pour notre bien-être, mais notre survie dépendra aussi de nos moyens de subsistance et de notre capacité de résilience face à cette pandémie. »

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