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Sadou Abdoulaye Yattara : « Beaucoup assimilent l’éducation aux médias à l’éducation au numérique »
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Sadou Abdoulaye Yattara est journaliste, formateur et expert en éducation aux médias. Coordinateur de l’Institut pour la démocratie et l’éducation aux médias (IDEM), il partage son regard sur les enjeux de l’éducation aux médias au Mali, les initiatives en place et les mesures à prendre pour la consolider.

Quels sont les principaux défis pour renforcer l’éducation aux médias au Mali ?

Avant d’identifier les défis de l’éducation aux médias au Mali, il faut d’abord reconnaître que l’État ne s’y intéresse pas encore réellement. Aucun programme institutionnel n’a été mis en place, laissant ce rôle aux organisations de la société civile. Pourtant, dans un environnement saturé d’informations, former les citoyens à analyser et vérifier les contenus est indispensable pour lutter contre la désinformation. Les principaux défis à surmonter incluent l’absence de cadre officiel, le manque de ressources pédagogiques adaptées, surtout en milieu rural, et la confusion entre éducation aux médias et simple formation au numérique. Pour y remédier, il est urgent d’intégrer cette éducation dans les programmes scolaires, de former les enseignants et de renforcer la collaboration entre l’État, les médias et la société civile.

Quel rôle les professionnels des médias doivent-ils jouer pour renforcer l’esprit critique face à la désinformation ?

Leur rôle est avant tout de diffuser une information fiable, vérifiée et conforme à l’éthique et à la déontologie. Leur mission ne doit jamais être d’influencer pour manipuler, mais bien d’éclairer le public avec des faits justes et contextualisés.

En respectant ces principes, nous réduirons la propagation des fausses informations et des intoxications. Les citoyens pourront alors accéder à une information de qualité, essentielle pour prendre des décisions éclairées, notamment lors des élections ou sur des sujets de société majeurs.

Les professionnels des médias doivent s’appuyer sur les nombreux textes réglementaires, aussi bien nationaux qu’internationaux, qui encadrent leur métier. En les mettant en avant et en les appliquant rigoureusement, ils contribueront non seulement à combattre la désinformation, mais aussi à renforcer leur propre crédibilité et leur utilité au sein de la société.

 Pouvez-vous nous parler d’initiatives concrètes en matière d’éducation aux médias au Mali ?

De nombreuses initiatives ont été mises en place, en grande partie grâce aux efforts de la société civile. Toutefois, il est important de noter que certaines de ces actions se rapprochent de l’éducation aux médias sans en couvrir tous les aspects.

L’Institut pour la démocratie et l’éducation aux médias (IDEM) s’intéresse à cette problématique depuis sa création en 2002. Nous avons notamment formé des enseignants du secondaire à Bamako, Ségou et Sikasso en leur fournissant des supports pédagogiques pour sensibiliser leurs élèves à l’éducation aux médias. Cependant, ces efforts ont parfois été interrompus, comme ce fut le cas après notre dernière intervention au Lycée Tamba Doumbia (Kalabancoro).

Aujourd’hui, plusieurs structures œuvrent dans ce domaine, mais il est crucial d’éviter les confusions. Beaucoup assimilent l’éducation aux médias à l’éducation au numérique, alors qu’il s’agit en réalité d’un triptyque comprenant l’éducation aux médias, l’éducation à l’information et l’éducation au numérique. Se focaliser uniquement sur le numérique, bien que fondamental à l’ère actuelle, constitue une approche incomplète et limite l’impact de ces initiatives.

 Quelle est la meilleure approche pour intégrer durablement l’éducation aux médias dans la société malienne ?

L’éducation aux médias doit être intégrée durablement dans les curriculums scolaires, dès l’enseignement fondamental jusqu’aux écoles de formation. Mais elle ne doit pas se limiter aux élèves : c’est un enjeu qui concerne l’ensemble de la société. Les chauffeurs, commerçants, journalistes, fonctionnaires doivent tous être formés pour développer un regard critique face à l’information.

L’objectif est de créer une masse critique de citoyens capables d’analyser, de vérifier et d’interpréter les contenus médiatiques avec discernement. Cela renforcerait la lutte contre la mésinformation et la désinformation qui sont aujourd’hui des outils majeurs de manipulation. Une approche globale et inclusive est donc essentielle pour ancrer durablement cette culture dans la société malienne.

 Selon vous, quelles mesures concrètes doivent être prises par les autorités ?

Pour renforcer l’éducation aux médias, les autorités doivent l’intégrer dans les programmes scolaires et former les enseignants pour en assurer une transmission efficace. Il est aussi essentiel de renforcer les capacités des journalistes, de sensibiliser la population via les médias et de soutenir les initiatives de la société civile. Un cadre réglementaire adapté permettrait de lutter contre la désinformation tout en protégeant la liberté d’expression. En combinant ces actions, on pourra mieux outiller les citoyens face aux manipulations de l’information.

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