Agression sexuelle : la délicate prise en charge psychologique
Source : pixabay
article comment count is: 2

Agression sexuelle : la délicate prise en charge psychologique

Pour surmonter une agression sexuelle, il faut dénoncer. La prise en charge psychologique est délicate.

On parle d’agression sexuelle quand une personne tente ou force une autre personne à avoir un acte sexuel. On peut donc parler d’un coupable et d’une victime, qui peut être un homme ou une femme. Mais au Mali, les victimes sont généralement des femmes dont l’âge varie entre 3 et 75 ans, comme l’indique Dr Ibrahim Haïdara, promoteur du cabinet de prise en charge psychologique, PSY2A.

Parmi les victimes qui subissent ces actes, seuls les cas qui font le plus de bruit sont dénoncés ou transmis à un psychologue, selon Daouda Guindo de l’Association des psychologues du Mali. Car tout ce qui est social, familial est tabou au Mali. Cela fait que la plupart des victimes prennent du temps pour en parler. Ce silence est lié à plusieurs facteurs dont la peur.

Vengeance

« Je rentrais de la maison quand il m’a arrêté pour me déclarer sa flamme », se souvient Amina (le prénom a été modifié). Élève du lycée, Amina est intelligente et pleine de vie. Oussou, son agresseur, est le fils du voisin. Le jeune homme, qui se disait irrésistible, n’avait jamais pensé qu’une fille comme Amina pouvait refuser ses avances.

Blessé dans son orgueil, « il n’a pas hésité à me menacer : en disant qu’aucune fille ne lui résiste sans conséquences », poursuit l’adolescente. C’est ainsi qu’un soir, en rentrant d’un match de l’école, avec l’aide de deux amis, ils « m’ont entraînée dans un coin pour me violer. »

Amina et ses parents n’ont pas tout de suite pensé à consulter un psychologue, mais plutôt à porter plainte. Avec l’aide de l’administration de l’école, la plainte fit condamner Oussou pour quelques années. Amina avait pourtant commencé un suivi psychologique. Mais jugeant cela inutile, elle a arrêté.

Gérer le stress

Chaque cas d’agression est particulier. Selon Dr Haïdara, la prise en charge d’une victime dépend du professionnalisme du psychologue chargé aussi de l’état de la victime. Daouda Guindo définit des techniques psychologiques qui permettent la prise en charge d’une victime d’agression sexuelle.

La première technique est purement psychologique. Chaque individu étant particulier, le psychologue cherche à comprendre sa patiente. Il fait un test pour évaluer son état psychologique d’avant et d’après l’acte. La deuxième technique est psycho-sociale. Cette technique consiste à considérer l’environnement de la victime, c’est-à-dire la famille et aussi là où l’acte s’est passé. Il s’agit de comprendre et d’analyser le milieu et l’éducation reçue.

Après ces techniques d’analyses et d’écoute, il y a les techniques de gestion de stress, « parce que notre société a tendance à rendre coupable la victime ». Et la mission principale du psychologue, c’est d’« aider la victime à surmonter, à vivre avec, à gérer son stress et ses angoisses ». Mais, encore faut-il que le psychologue arrive à établir la confiance avec la victime.

Difficultés

Au Mali, « les gens protègent le social et ont peur des représailles », affirme Dr Haïdara. D’un côté, « ils ne viennent pas facilement, parce qu’ils ne savent pas ce qu’est un psychologue ». De l’autre, les difficultés liées aux coûts de prise en charge font que beaucoup renoncent à aller voir un psychologue. Mais tout cela est dû à la méconnaissance de l’utilité d’une prise en charge psychologique.

Selon Dr Ibrahim Haïdara, « les victimes les plus jeunes sont beaucoup difficiles à faire parler, dû à leur naïveté ». Elles sont beaucoup hésitantes à cause de la peur. Les femmes adultes aussi consultent, mais très souvent avec des traumatismes liés à des actes d’abus dans le passé. La principale difficulté du psychologue est de faire parler ces victimes qui préfèrent le silence à la dénonciation. Or, le seul moyen pour se remettre, c’est de dénoncer. « Tant que vous ne dénoncez pas le coupable, le problème ne peut être réglé », prévient Dr Haïdara.

Face à toutes ces difficultés, le travail du psychologue est une utopie au Mali. Normalement, le psychologue doit travailler avec la justice, la police pour pouvoir arrêter le coupable afin que la situation ne se répète plus. Mais en famille et au plan social, tout ce qui est relatif à la sexualité cause problème. Et dénoncer, est un problème.


Vous aussi relire sur Benbere :

[Témoignage] « Depuis mon viol, j’ai un dégoût envers les hommes »

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (2)

  1. La peur de la dénonciation n’est pas caractéristique au Mali ou à l’Afrique. le silence face aux agressions sexuelles est une réaction instinctive d’autoprotection. Chacun de nous doit comprendre que le viol est un crime. Il faut continuer la sensibilisation dans les écoles et les églises.