Côte d'Ivoire-Affaire Yves de Mbella : quand les victimes de viol sortent de leur silence
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Côte d’Ivoire-Affaire Yves de Mbella : quand les victimes de viol sortent de leur silence

En Côte d’Ivoire, depuis le scandale de la démonstration de viol en direct sur la Nouvelle chaîne de télé ivoirienne, NCI, les témoignages de femmes victimes de viol fusent de partout. L’animateur et son invité ont été sanctionnés suite à la pression des organisations de défense des droits des femmes.

Le lundi 30 août 2021, au cours de l’émission  » La télé d’ici vacances » de la chaîne de télé ivoirienne, NCI, l’animateur principal Yves de Mbella recevait deux ex-détenus dont l’un condamné pour viol, coups et blessures. L’animateur a invité l’ex-condamné pour viol à reconstituer son mode opératoire sur le plateau de l’émission, à l’aide d’un mannequin. Ce geste a suscité l’indignation des téléspectateurs, des victimes, de la société civile et même des internautes.

Aussitôt l’émission terminée, Nathalie TO LOU, une webactiviste engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes postait sur Facebook : « Yves de Mbella, merci d’aider à remonter ces souvenirs de cette triste soirée de ma vie. J’étais sans défense, j’avais enfoui cela jusqu’à en oublier l’auteur. Merci NCI de non seulement banaliser le viol, mais d’en faire la promotion ».

« En parler pour faire bouger les choses »

Comme elle, plusieurs victimes sont montées au créneau pour dénoncer l’ « apologie du viol ». C’est le cas de Céline N’GORAN. La jeune étudiante s’était jurée de garder en secret la pire journée de sa vie, mais plus maintenant. « Je souffrais en silence. Je me souciais du jugement des autres… Avec ce qui s’est passé sur la NCI, j’ai décidé de ne plus en faire un sujet tabou et d’en parler pour faire bouger les choses. Lorsque les gens abordent le sujet, ils ont tendance à rejeter la faute sur la femme. Soit pour sa tenue vestimentaire…Pourtant on peut simplement demander aux hommes de se contenir ».

Le « violeur qui avait été invité sur la NCI demandait aux femmes de se faire toujours accompagner lorsqu’il se fait tard. Mais pourquoi nous ne pouvons sortir librement comme les hommes? », s’interroge Aline.

« J’ai été abusée par un membre de ma famille pendant une année scolaire. J’étais encore à l’école primaire. Ce dernier me faisait des attouchements sexuels. Puis un moment, il ne venait plus à la maison. J’ai appris plus tard qu’il avait été emprisonné pour avoir reproduit la même chose sur une petite fille de 5 ans. J’étais un tout petit peu soulagée parce qu’il était enfermé. Il est ressorti des années d’après. Jusqu’à aujourd’hui personne ne sait que j’ai été l’une de ses victimes. L’histoire m’a vraiment traumatisée, je préfère m’arrêter là », témoigne-t-elle tout en écrasant quelques larmes.

Pluie de sanctions

L’épisode du 30 août dernier n’a pas uniquement suscité le mécontentement des victimes de viol, mais aussi celui des organisations de la société civile dont principalement le Réseau féministe, la Ligue, une organisation créée par des jeunes femmes ivoiriennes engagées dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles envers les femmes qui a immédiatement produit un communiqué.

A travers ce communiqué, les membres de la Ligue exigeaient plusieurs sanctions à l’endroit de la chaîne de télé et de l’animateur. Il s’agit notamment d’une sanction de la Haute autorité de la communication et de l’audiovisuel contre la NCI, la suspension de l’animateur Yves de Mbella, la non association de son image, à la finale du concours miss Côte d’Ivoire.

Le Collectif des Activistes, qui regroupe des organisations de défense des droits des femmes, s’est aussi rendu les jours d’après devant les locaux de la NCI pour un sit-in qui a débouché sur une rencontre avec les représentants de la NCI. Au cours de cette rencontre, les activistes ont également exigé de la HACA et la NCI, « une sanction destinée à toute l’équipe de cette émission et les chroniqueurs présents sur le plateau, des excuses publiques et des engagements fermes sur la défense des droits des femmes de la part de NCI. Ils ont aussi exigé que la chaîne dédie une lucarne à la lutte contre les VBG (Violences Basées sur le Genre) et arbore une bannière sur toute la période des 16 jours d’activisme dans le mois de novembre ».

Le présentateur Yves de Mbella a été suspendu de toutes les antennes des chaînes de télévisions ou radio de Côte d’Ivoire pour une durée de 30 jours. Le réseau de téléphonie mobile MTN Côte d’Ivoire sponsor officiel du concours et son partenaire Miss Côte d’Ivoire a pris des dispositions. La Friedrich Ebert Stiftung ne souhaite plus associer son image à la chaîne, les organisations internationales telles que UNICEF, Save the Children Côte d’Ivoire, Onu Femme, Unfpa ont toutes réagi à travers des communiqués, l’artiste Shado Chris a même annulé  une émission dont il devait être le principal invité.

« Tolérance zéro contre le viol »

La NCI a quant à elle, tenu compte de quelques exigences du collectif des activistes et a pour l’instant anticipé sur les 16 jours d’activisme depuis le 4 septembre 2021 en mettant une bannière : « Tolérance zéro contre le viol » sur l’écran, des émissions y sont également présentées pour la lutte contre les VBG.

La justice qui s’est aussi saisie de l’affaire a rendu son verdict. Le présentateur est condamné à 12 mois de prison avec sursis et devra payer une somme de 2 millions de FCFA, tandis que le supposé violeur (l’invité), écope lui, de 24 mois de prison ferme et de 500 000 FCFA d’amende.

Cette mobilisation reste une grande première en Côte d’Ivoire que l’on ne risque pas d’oublier. Un signal fort que les activistes Ivoiriennes des droits des femmes lancent ainsi à l’endroit de toute personne qui fait l’apologie du viol en Côte d’Ivoire.

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