Au Mali, le nombre de femmes courant le risque d’une fistule obstétricale se situe entre 1804 et 2405 chaque année. Une femme fistuleuse partage son récit intime sous la plume de la blogueuse Naba Samaké.
Le jour de l’accouchement, ma vie basculée. Entre douleur et inquiétude, mon travail durait plus que la normale. Injection sur injection, j’ignore le nombre de petits tours de marche du centre de santé que j’ai faits. Après tous ces efforts, je n’avais plus de force. Je sentais que mon enfant voulait venir, mais il ne trouvait pas de chemin. Je n’en pouvais plus. Je ne voulais qu’une chose : entendre les cris de mon bébé.
Après des heures de souffrance, j’ai enfin accouché. Mais le bébé avait du mal à crier, car il était fatigué. Par la grâce de Dieu, après les techniques de réanimation, les sages-femmes ont sauvé mon enfant. J’ai oublié mes heures de souffrance. Mais, une autre vie m’attendait. Une vie où je serais à l’écart de tous, indexée par la société qui a fait de moi celle que je suis aujourd’hui : une femme porteuse de fistule, scientifiquement parlant. Mais une sorcière aux yeux des autres, sans compassion ni de soutien.
Souffrance
Selon l’OMS, « la fistule obstétricale est une lésion grave et dangereuse susceptible de survenir lors d’un accouchement. Il s’agit d’une brèche de l’ensemble des structures anatomiques que traverse le fœtus (le bébé) lors de l’accouchement. L’apparition d’une fistule obstétricale est directement liée à l’une des principales causes de mortalité maternelle : un travail difficile lors de l’accouchement ou l’absence de soins obstétricaux adéquats.»
Mon cas était dû à un travail difficile lors de l’accouchement, selon le médecin obstétrical du CHU du Point G. Il m’a, par la suite, expliqué que « les femmes ayant subi une mutilation génitale féminine sont les plus exposées à ces complications comme, entre autres, les saignements excessifs, les déchirures du périnée et ont souvent recours à des épisiotomies.» Ainsi, ajoute-t-il, « un travail prolongé ou un accouchement difficile peuvent être à l’origine des fistules obstétricales, qui deviennent alors des conséquences secondaires des complications liées aux mutilations sexuelles féminines. »
Inconvénients
En termes simples, la cause principale de ma situation actuelle est l’excision. Comment supporter la solitude de mon mal ? On m’a retiré mon enfant, je n’ai plus de mari. Qui voudra d’une femme qui ne peut pas se retenir pour uriner, une femme malade physiquement et dans l’âme. C’est d’ailleurs le cas aussi de l’héroïne d’un roman dont une cousine m’a parlé Les grands fromagers de Djènèba Fotigui Traoré. Elle m’a raconté que dans ce roman, la jeune Dabassia, fistuleuse, est traitée comme une pestiférée dans son village qu’elle finira par quitter pour avoir des soins en ville, le médecin lui ayant dit que le genre de fistule qu’elle a se guérit, pris en charge très tôt. Elle changeait régulièrement des couches, l’urine coulait et une odeur nauséabonde la suivait. Comme elle, je vis moi aussi dans la réclusion.
En retrouvant d’autres femmes comme moi au centre médico-social de référence dans la prise charge des fistules obstétricales au Mali, plus précisément au CHU du Point G, à Bamako, je n’arrêtais pas de me poser une question : pourquoi continuer à exciser les filles quand on sait qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages ?
Wallayi une pratique qui fait plus de mal que de bien.
Ça fait pitié ! Il est grand temps que les uns et les autres comprennent les aléas de cette pratique