Les consultations prénuptiales volontaires sont très peu connues et parfois négligées par les futurs conjoints. Elles sont pourtant un moyen efficace pour prévenir les maladies héréditaires et infectieuses, qui peuvent affecter la vie familiale et conjugale.
Est-ce par crainte de découvrir des vérités médicales contraignantes ? Est-ce dû aux tabous ou au manque de sensibilisation ? En tous cas, nombreux sont les couples qui préfèrent ignorer ces examens. Les consultations prénuptiales sont une série d’examens médicaux suivis de conseils à l’endroit des futurs époux avant la célébration de leur union.
Le professeur Alou Samaké, gynécologue obstétricien, nous précise qu’au Mali cette pratique est volontaire et que « son but est de dépister une maladie héréditaire tel que la drépanocytose ; une infection VIH et/ou une IST ; l’existence d’une malformation congénitale ; l’existence d’incompatibilité sanguine fœto-maternelle dans le système Rhésus ; l’existence d’autres pathologies pouvant retentir sur la grossesse et la qualité de vie des enfants issus de cette union. » Au-delà de ces examens, « ce moment est aussi une occasion pour le couple de discuter d’autres aspect de la vie reproductive comme la planification familiale, l’hygiène intime ou encore la santé de leur progéniture », ajoute-t-il. Cependant au Mali, cette pratique est beaucoup ignorée.
Tensions et conflits au sein du couple
Même dans la capitale malienne, beaucoup de gens ne connaissent ni son existence ni son importance. Pourtant sur le plan émotionnel et social, un problème de santé découvert après le mariage peut entraîner des tensions et des conflits au sein du couple, voire conduire à des divorces prématurés. De plus, des enfants nés avec des maladies évitables peuvent être une source de souffrance pour les parents et peser lourdement sur la famille.
Dicko, la trentaine, est mère d’une petite fille drépanocytaire. Impuissante face à la douleur de sa fille, elle nous rapporte que selon les explications du médecin « la chance que deux conjoints AS mettent au monde un enfant de signe SS est à 25% par grossesse. Malheureusement c’était notre cas et nous avons mis au monde une fille drépanocytaire. Je me sens tellement coupable à chaque fois que ma fille fait une crise. Depuis, l’ambiance familiale est devenue très tendue. »
Dicko n’avait jamais entendu parler de consultations prénuptiales auparavant. Même si elle avait eu l’information en avance, qu’aurait-elle prise comme décision ? A cette question, elle est restée muette comme une carpe.
La peur des résultats
Cette réaction amène à aborder un autre aspect de la situation : la peur des résultats, qui est un obstacle de taille. Les futurs couples sont souvent trop amoureux, impatients de fonder leur famille, de vivre à deux et de réaliser leurs rêves les plus fous. Ils refusent donc d’aller faire ces examens, car ils redoutent les résultats, la découverte de maladie ou d’incompatibilité qui pourrait compromettre leur mariage. « Pourquoi s’infliger une pression supplémentaire ? Qu’est-ce qui suit un résultat négatif ? La rupture des fiançailles ? Cela est trop dure à affronter selon moi, en plus des milliers de couple se marie sans le faire et pourtant tout se passe bien dans leur vie familiale, pourquoi est-ce dans la mienne qu’il y aura un problème ? Personnellement je préfère être optimiste et me passer de ces consultations. », avance Salif Camara, jeune mécanicien célibataire.
Cette position est partagée par plusieurs autres jeunes qu’on a interrogés. Bintou, une jeune étudiante, soutient : « Imaginez que la fille soit atteinte de VIH/Sida, même si elle est sous traitement antirétroviral, difficilement l’homme va accepter de s’engager avec elle après avoir appris cette nouvelle. En plus à part la drépanocytose, les couples d’aujourd’hui partagent toutes les maladies intimes bien avant le mariage », pense-t-elle.
Heureusement qu’il y en a par contre qui trouve les examens prénuptiaux plus que nécessaires. « De nos jours les couples croulent sous tellement de problème sanitaire, que la question ne se pose plus. Beaucoup de divorces pourraient être évités si les futurs couples prenaient la peine de faire un bilan sanitaire avant le mariage. », estime Kadidiatou. Mariée depuis 8 ans, elle n’arrive toujours pas à avoir d’enfant. Pourtant, « les médecins n’ont trouvé aucune anomalie qui pourrait m’empêcher de tomber enceinte. Mon mari refuse catégorique d’aller en consultation et cela me dépasse. », déplore-t-elle.
Ni les médias locaux, ni les autorités sanitaires ne communique assez sur les consultations prénuptiales. Il est temps de normaliser cette pratique jugée souvent « bourgeoise ». La réussite du mariage ne dépend pas seulement des sentiments que l’on partage, mais aussi de notre sens de responsabilité et de prévoyance. Une consultation conjugale volontaire ne peut constituer un frein à l’amour.