Semaine mondiale de l’allaitement. « Choisir entre mon bébé et mon travail, le dilemme des mères maliennes qui travaillent »
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Semaine mondiale de l’allaitement. « Choisir entre mon bébé et mon travail, le dilemme des mères maliennes qui travaillent »

Dans le cadre de la semaine mondiale de l’allaitement maternel, qui se déroule du 1er au 7 août à l’initiative de l’Unicef et l’OMS, Aissata Ba appellent à créer au Mali les conditions permettant aux mères d’allaiter leur bébé et de travailler.

C’est normal de travailler et c’est normal d’allaiter mon bébé. Mais que se passe-t-il s’il n’y a pas de mécanisme ou de système pour m’aider à faire les deux ? Que puis-je faire ? Choisir mon travail ou mon bébé ? Pouvons-nous dissocier l’égalité des genres, l’émancipation des femmes et le droit de remplir nos rôles biologiques ?

Au Mali, beaucoup estiment que les femmes éduquées ne veulent pas allaiter parce qu’elles ne veulent pas perdre la beauté et la jeunesse de leurs seins. Pourtant, c’est ignorer le fait que nous n’en avons pas la possibilité, même si nous voulons allaiter. Qu’est-ce qui peut être plus important que le bébé que nous avons porté pendant neuf mois ? C’est justement leur amour qui nous pousse à nous lever tôt et à prendre soin d’eux avant d’aller travailler pour obtenir les fonds nécessaires au financement de leur présent et de leur avenir. Alors, attention, nous ne choisissons pas notre beauté au détriment de nos bébés ; nous planifions leur avenir.

« Pays des paradoxes »

Nous sommes le pays des paradoxes par excellence dans nos comportements, propos et jusque dans nos lois et nos politiques. Nous plaidons en faveur de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes, tout en faisant de même pour l’allaitement maternel exclusif. Pourtant, ces deux éléments peuvent souvent se gêner mutuellement lorsque nous parlons des mères qui travaillent et doivent choisir entre l’allaitement et le travail. La plupart d’entre elles optent pour le second, sevrant leurs bébés malgré elles-mêmes.

Beaucoup diront que l’État ou les organisations ne peuvent pas nous permettre de rester à la maison pendant six mois, mais ce n’est pas ce que je demande. Nous voulons simplement disposer de la logistique et du soutien nécessaires pour amener nos bébés au travail, les allaiter et leur permettre de dormir confortablement dans une salle et non dans un couloir.

Si vous vous demandez pourquoi je me plains, ce n’est pas le cas. En tant que mère, j’ai eu la chance d’être employée par une organisation consciente de mes rôles biologiques, fait ce qu’elle prêche et, surtout, dispose d’un mécanisme qui me permet d’allaiter. Il me permet de voyager à travers des continents et des océans, de prendre en charge même la baby-sitter et de payer le billet d’avion pour mon bébé afin de me permettre de travailler, et aussi d’être une mère comme je le souhaite. Je parle donc ici de certaines d’entre nous qui le souhaitent mais ne le peuvent pas. Certaines d’entre nous, même employées d’organisations qui défendent la santé maternelle et infantile mais les empêchent d’emmener leur bébé en voyage, ne leur donnent pas les moyens d’avoir leur bébé sur leur lieu de travail !

Joindre le geste à la parole

Pourtant, nous ne pouvons pas dissocier l’égalité des genres et l’émancipation des femmes de nos rôles biologiques. Nous sommes des mères et nous devrions avoir le choix d’allaiter ou non. Notre corps, nos choix.

Je parle des mères qui travaillent, mais nous ne devrions pas oublier les étudiantes. Pendant mes années d’université, certaines laissaient souvent leurs bébés près des escaliers ou rez-de-chaussée, sans aucun autre espace confortable. Étudiantes qui ne peuvent pas amener leurs bébés dans les classes pour les allaiter.

Je suis stupéfaite de voir que les Maliens font l’éloge des mères, des femmes, mais qu’il n’y a pas de mécanismes pour nous aider. Dans les pays développés, il y a des stations de change, des stations d’alimentation pour bébés, et surtout des salles de bain pour les parents, qui peuvent les utiliser pendant que leurs bébés sont attachés à un siège en ayant un œil sur eux. Des aéroports ont des chariots avec des porte-bébés, vous aident à vous enregistrer quand c’est nécessaire. Pendant ce temps, au Mali, nous n’en avons pas et les gens couperaient même la file d’attente devant vous !

Il existe de nombreux types de mères et nous avons toutes besoin de soutien et d’être célébrées. Nos mères, restées à la maison pour s’occuper de nous, sont des mères formidables. Nous avons des approches différentes, mais nous visons toutes le bien-être de nos enfants. Nous aussi sommes formidables et nous aimons tendrement nos enfants, nous voulons un avenir brillant pour eux dans un pays où l’éducation devient de plus en plus chère.

Nous devons joindre le geste à la parole. Nous devons fournir aux mères qui travaillent tout ce dont elles ont besoin pour s’épanouir au travail et à la maison, pour nourrir leurs bébés et travailler, pour s’occuper de leurs familles, pour être indépendantes et autonomes.

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