Dans la « cité aux 333 saints », l’anarchie a atteint son summum en raison de l’envahissement des cimetières par des containers. Y a-t-il une volonté de faire de Tombouctou la « ville aux 333 containers » ? Cette occupation des clôtures des cimetières avec la complicité des services municipaux est « inesthétique, immorale et profanatoire », dénonce l’écrivain et homme de culture Sane Chirfi Alpha.
Ces cimetières sont le lieu du dernier repos de savants, de pieux, de saints. Mais le peu d’attention accordé par les autorités en fait des lieux envahis par des ordures, ouverts aux chiens errants, aux ânes, chèvres et autres animaux en divagation.
C’est le plus grand irrespect pour les choses sacrées, pour ces lieux qui doivent accueillir nos dépouilles. Sous d’autres cieux, ce sont des lieux entretenus, boisés, fleuris sentant la bonne odeur d’encens. Par ailleurs, les clôtures étant récentes, il est indéniable que les alentours immédiats abritent les restes humains. Les cimetières sont totalement encerclés par des rôtisseries, des boutiques, des points de vente de carburant, des ateliers et la vie continue bruyante à « l’entrée même de l’au-delà ». Encore un mystère de briser les frontières entre ici -bas et l’au-delà.
Des espaces de loisirs
À ce rythme, il est à craindre que les mausolées des saints ne soient utilisés comme boutique pour vendre des boissons, des cigarettes, des cartes de crédits lors des enterrements. Nous sommes à un tel niveau de banalisation de la mort que les cérémonies funèbres donnent lieu à de véritables réjouissances avec des repas somptueux, du thé à la menthe, de la crème de mil. C’est aussi des lieux de grands débats politiques, de causeries mondaines avec force éclats de rires.
Sur le plan du classement, il existe des normes et un site classé doit disposer d’un périmètre de sécurité connu, être bien entretenu et rester dans la ligne de sa vocation. Toutes choses qui sont superbement ignorées ici. L’occupation des clôtures des cimetières demeure la plus grande expression de l’ignorance, de la défiance et de l’irrespect parce que ces kiosques et containers sont implantés sur des cadavres, et même ceux qui, simples clients, les abordent, font acte de profanation et insultent la mémoire des morts.
Lumière de la foi et du savoir
C’est la mairie qui octroie les places. C’est à elle qu’incombent l’embellissement de la ville, sa sauvegarde et sa préservation. Elle doit mesurer tout l’impact du classement et agir en conséquence parce que l’aura de Tombouctou et sa notoriété ne reposent que sur ces richesses et elle ne doit pas être la première à détruire ou contribuer à détruire. Elle a tous les outils et tous les instruments, les décisions et les actes. Elle doit sensibiliser, expliquer et faire comprendre, au besoin sanctionner et sévir.
Ce qui se pose ici comme problème est avant tout religieux et moral. Ainsi, les associations religieuses aussi ont l’obligation d’éclairer les gens et d’interpeller les autorités, en tant que leaders spirituels, parce que ce qui fit la splendeur et la grandeur de Tombouctou, ce ne sont ni le sel, l’or ou les céréales, mais bien la lumière de la foi, le savoir qui en a fait l’aéroport de la connaissance.
Tombouctou doit revenir dans Tombouctou
Nous ne devons jamais oublier que Tombouctou demeure une référence mondiale en matière de pratique sociale, religieuse et morale. Nous avons vu que même à Bamako, les alentours du cimetière de Niarela ont été dégagés. Ce n’est donc pas à Tombouctou, la religieuse, la valeureuse que de tels actes doivent se produire. Songeons à tous ces savants, ces saints, ces hommes pieux qui reposent en cette ville et ressaisissons-nous.
Cette agression des cimetières n’honore pas Tombouctou, elle n’honore pas les Tombouctiens et on doit y mettre fin sans condition et sans délai.
Les autorités municipales, les leaders religieux, les leaders d’opinion, les acteurs sociaux, les acteurs culturels, les populations, les opérateurs économiques, sont tous interpellés parce que le seuil du tolérable est atteint.