Covid-19 et emploi : quand la crise sanitaire oblige à se reconvertir
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Covid-19 et emploi : quand la crise sanitaire oblige à se reconvertir

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a accentué le ralentissement économique, obligeant les travailleurs dans certains secteurs à se reconvertir.

Cet article a d’abord été publié par le site d’informations Lejalon.com.

De nombreuses activités économiques ont été perturbées, obligeant les entreprises à recourir, au mieux, au chômage partiel, au pire à des licenciements massifs, selon un rapport en date du 21 mai 2020 des Nations unies, intitulé Analyse rapide des impacts socio-économiques du Covid-19 au Mali. Sur le terrain, lejalon.com a rencontré des travailleurs reconvertis et des diplômés en manque de perspective.

Au Mali, durement secoué par la crise politico-sécuritaire depuis plusieurs années, la pandémie a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase du chômage. La crise de l’emploi est d’autant plus une réalité que les écoles et les universités se vident au moindre claquement de doigt pour un petit recrutement dans l’armée ou la police.

A l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), le stress suscité par la Covid-19 n’a épargné ni les activités, ni les initiatives d’intermédiation, de sensibilisation, de formation à l’endroit des demandeurs d’emploi.

Respect des mesures barrières

Selon une responsable de l’ANPE, la Covid-19 a véritablement impacté les emplois. Et pour cause. Pour offrir le minimum de services aux usagers, la direction de l’ANPE elle-même avait instauré une rotation avec deux équipes de travail. Il s’agissait de décongestionner le service par respect des mesures barrières. Si avec la réduction des cas de contamination cette restriction a été levée, il y a deux semaines, il n’en demeure pas moins que la psychose de la pandémie demeure et affecte l’emploi et le service de l’emploi.

Selon Drissa Sidibé, chef département communication, les activités de l’ANPE s’articulent autour de deux axes : la sensibilisation et la formation au bénéfice des demandeurs d’emploi (les étudiants en fin de cycle et les diplômés), et le placement. « A cause de la Covid-19, ces activités ont été sérieusement atteintes ». A titre illustratif, il souligne que l’ANPE avait à son compteur pas moins de 100 sorties en 2019 vers les écoles et les universités (pour des séances de formation et de sensibilisation) contre seulement une cinquantaine en 2020. Quant aux placements, l’ANPE, au premier semestre 2019, ils étaient à 48% des objectifs contre seulement 27,51% au premier semestre 2020, a confié M. Sidibé.

Kadidia Samaké est une diplômée sans emploi. Elle soutient que la Covid-19 a créé une sorte de peste dans l’environnement des entreprises, dans un pays où la quête d’un premier emploi relève du parcours du combattant. Selon elle, les offres d’emploi mises en ligne par l’ANPE ont considérablement été affectées par la Covid-19. Car les entreprises pourvoyeuses d’emplois parviennent à peine, elles-mêmes, à sortir la tête de l’eau.

Promotion de l’emploi des jeunes

A l’Agence pour l’emploi des jeunes (APEJ), une autre structure étatique chargée de promouvoir l’emploi à travers la formation, la sensibilisation, l’appui conseil pour la création de microentreprises, on estime que les activités n’ont pas beaucoup souffert des conséquences de la Covid-19. Selon Casimir Sangala, son chargé de communication, seulement pour les motifs d’interdiction de rassemblement, « les séances de sensibilisation publiques en milieu scolaire et universitaire, qui consistent à développer l’esprit d’initiative chez les étudiants futurs demandeurs d’emplois, n’ont pu etre menées ».

Par contre, la structure s’est investie dans des initiatives de soutien à la promotion de l’emploi des jeunes. « C’est dans ce cadre que nous avons, par exemple, investi 150 millions de francs CFA à Mopti, dans les activités à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO) (curage des caniveaux, posage de dalle…), poursuit casimir Sangala. Aussi, 500 entreprises fragiles recensées ont été accompagnées grâce au soutien de la Banque mondiale, en raison de 300 000 francs CFA par entreprise. »

Chantiers de BTP

La question d’emploi est si cruciale aujourd’hui qu’il n’est pas rare de retrouver d’ex-employés d’hôtels sur des chantiers de BTP. « Je suis détenteur d’une maitrise, j’ai été cuisinier dans un hôtel de la place. Depuis quelque temps, je fais la navette entre une école privée où je donne des cours et des chantiers BTP, dans le but de subvenir aux besoins de ma famille », confie Issa Konaté.

Le rapport de l’ONU souligne que cette pandémie est à l’origine de nombreuses difficultés accentuant le chômage et la pauvreté au Mali. En effet, au Mali, pays d’émigration par excellence, les transferts de fonds des migrants ont non seulement été impactés négativement, mais également l’approvisionnement en marchandises qui entrent dans la composition des produits finis et en biens intermédiaires. Pire, les mesures barrières et le couvre-feu ont accentué le ralentissement économique, voire l’arrêt sans précédent de nombreuses activités, obligeant les entreprises à recourir au mieux à la mise au chômage partiel et, au pire, à des licenciements massifs.

L’étude met également l’accent sur la multiplication du chômage technique et les pertes massives d’emplois dans les activités économiques et dans les couches sociales les plus affectées.

Augmentation brutale des pertes d’emploi

Les résultats d’une enquête préliminaire commanditée par le Conseil national du patronat du Mali (CNPM), que Le Jalon a pu consulter, font ressortir une augmentation brutale des pertes d’emplois, en particulier dans les secteurs tertiaire et secondaire. Sur environ 200 entreprises/groupements interrogés dans les services assurance-banque, hôtellerie-tourisme-billetterie-restauration, industrie de transformation, énergie/distribution, le CNPM a reporté une perte de 4 296 emplois sur 8 476 enregistrés, soit à peu près 50%. Les pertes de chiffre d’affaires subies sont évaluées pour l’instant à 21%, selon le document. En milieu urbain, les emplois sont essentiellement dans le tertiaire et le secondaire : par exemple 84,7% à Bamako (EMOP, INSTAT, mars 2020, tableau II-4). Ils sont, en outre, concentrés à 43,1% dans les entreprises individuelles (sans doute informelles pour la plupart) et à 31,7% dans les entreprises de 3 à 10 salariés.

« Les activités concernées, dominées par le secteur informel, les toutes petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) sont les plus directement affectées », conclut le document. Toutes choses qui annoncent, une accentuation de la pauvreté, dans les jours et mois à venir.

Il ressort de constat d’expert, proche du patronat malien, que l’impact du couvre-feu a été immédiat sur les activités nocturnes dans lesquelles de nombreux emplois sont rémunérés à la nuit ou à la semaine : les agents de sécurité et le personnel de service dans les bars, boîtes de nuit et restaurants. Aussi, la complémentarité avec d’autres activités de jour fera-t-elle que l’effet négatif sera de grande ampleur.


« Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada »

 

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