Même si le calendrier n’est pas encore clair, le Mali se prépare aux élections qui mettront en place les institutions post-transition. C’est le moment de réfléchir à la place à donner aux femmes dans les institutions.
Lors de la précédente élection présidentielle de 2018, vingt-quatre candidats ont été agréés par la Cour constitutionnelle pour conquérir le poste tant convoité de président de la République. Il n’y avait qu’une seule femme : madame Djénéba N’diaye, qui a eu le nombre de voix le moins élevé, à savoir 0,38%. Ceci signifie d’abord que presque tous les grands partis politiques sont dirigés par des hommes, et mettent en avant des hommes pour les représenter aux différentes élections stratégiques. Résultat : ce sont les hommes qui dominent les différentes institutions.
Violation de la loi 052
Pourtant, en 2015, le président Ibrahim Boubacar Keïta a adopté la loi 052 « instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives ». Cette loi stipule qu’à l’occasion des nominations dans les fonctions de l’Etat, « la proportion des personnes de l’un ou l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30% ». Elle ajoute qu’à l’occasion des différentes élections, aucune liste d’au moins trois personnes « n’est recevable si elle présente plus de 70% de femmes ou d’hommes ». Cette loi est très importante, puisqu’elle permet de se rapprocher de l’idéal d’une société où les hommes et les femmes sont tous suffisamment représentés.
Mais la loi 052 ne cesse d’être violée depuis qu’elle a été promulguée. Par exemple, dans le gouvernement Boubou Cissé nommé en 2019, il y avait 9 femmes sur 38 ministres, soit 23,68%. Dans le gouvernement de transition de 24 membres de décembre 2020, il y avait seulement 4 femmes, soit 16%.
Strict minimum
Quand la loi 052 n’est pas ouvertement violée, on donne aux femmes le strict minimum, juste ce qu’il faut pour expliquer que la loi a été respectée. Le Conseil national de transition (CNT) n’octroyait en 2020 que 36 places aux femmes sur 121 conseillers, ce qui donnait 29,7%.
L’exemple qui illustre la manière de penser des leaders politiques maliens, et peut-être de la société malienne dans son ensemble, est celui de la nomination des juges de la Cour constitutionnelle en 2020, juste après la fameuse « dissolution de fait ». Parmi les neuf places à pourvoir, trois membres devaient être nommés par le président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, et les trois autres par le Conseil supérieur de la magistrature. Comme si elles s’étaient concertées, les trois institutions ont nommé chacune deux hommes et une femme, ce qui équivalait à trois femmes sur les neuf juges. La loi était respectée, mais on peut se demander pourquoi aucune des trois institutions n’a nommé deux femmes et un homme.
Changer de paradigme
Ce qu’on peut retenir de tous ces exemples, c’est que même quand la loi 052 est respectée, les responsables politiques maliens semblent avoir peur de donner des responsabilités aux femmes.
Avec les institutions post-transition, il va falloir changer de paradigme et confier plus de responsabilités aux femmes. D’autres pays l’ont compris, comme au Rwanda où on n’hésite pas à mettre une majorité de femmes au parlement. Pour y arriver, il faut partir du postulat que le pays a besoin de la contribution de tout le monde, des hommes et des femmes, et qu’ils sont tous capables de diriger le pays.
Faisons confiance aux femmes et laissons-les nous montrer ce dont elles sont capables. Peut-être qu’elles réussiront là où les hommes qui monopolisent le pouvoir ont échoué.