Le Mali a adopté, en 2015, la loi 052 pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. Si cette décision hautement politique est perçue par certains comme un « cadeau sur un plateau d’or » ou une « discrimination positive » en faveur les femmes, le combat pour son application effective se poursuit et risque d’être long.
La loi 052 du 18 décembre 2015, dite « loi sur le genre », a suscité beaucoup d’espoir auprès des femmes maliennes, des partenaires techniques et financiers et des organisations de la société civile œuvrant dans le sens des initiatives féminines. Dans son article 1, la loi stipule : « A l’occasion des nominations dans les institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30%. »
La loi ajoute aussi que, à l’occasion des élections [Assemblée nationale, Haut conseil des collectivités ou conseillers des collectivités territoriales], « aucune liste d’au moins trois (03) personnes, présentée par parti politique, groupement de partis politiques ou regroupement de candidats indépendants, n’est recevable si elle présente plus de 70 % de femmes ou d’hommes ».
Malgré des avancés, cette loi continue d’être allègrement violée. La preuve, dans le dernier gouvernement de transition, figurent seulement 6 femmes sur 28 membres, soit un taux de 21%. Le Conseil national de transition (CNT) n’a pas fait mieux : sur 121 membres, seulement 31 femmes y siègent, soit 25%.
Faire bouger les lignes
Mme Dembélé Ouleymatou Sow, présidente de la Coordination des associations et ONG féminines du Mali (Cafo) est on ne peut plus claire : « La Constitution du Mali prône l’égalité entre les sexes, mais elle n’a jamais été concrétisée par les autorités maliennes ». S’agissant de l’effectivité de cette loi dans la pratique, la présidente nationale de la Cafo reconnait, volontiers, qu’elle n’est pas évidente au regard des défis constatés. Toutefois, selon elle, les hommes et les femmes ont l’obligation de continuer à faire le plaidoyer pour faire bouger les lignes.
Parmi les contraintes, auxquelles la loi est confrontée, Mme Dembélé Ouleymatou Sow égrène : le manque de volonté politique ; l’amalgame ou confusion qui en fait une loi favorisant uniquement la promotion des femmes ; la dureté des us et coutumes ; le faible statut de la femme dans la société inhérente à ces coutumes ; la faible autonomisation et le manque de confiance lié aux contraintes qui pèsent sur la femme telles que l’analphabétisme, la pauvreté, l’insuffisance de formation, la surcharge de travail des femmes, la faible participation des femmes à la vie de la nation, les violences basées sur le genre (VBG), la crise sécuritaire.
Quant à Sékou Fantamadi Traoré, ancien député de l’Adema – PASJ, à Dioïla, il a fait savoir que la loi sur le genre permet d’atteindre l’équilibre entre les sexes. « C’est nous [parlementaires] qui avons voté cette loi en raison de son importance. Le genre, c’est l’homme et la femme mais les hommes ont plus de possibilité que les femmes. La loi sur le genre est très pertinente, parce qu’elle permet d’accrocher l’équilibre entre les deux sexes », soutient M. Traoré.
L’ancien député de Dioïla a indiqué qu’une fois adoptée et promulguée, les plus hautes autorités devraient appliquer immédiatement la loi : « La prise en compte de la question sur le quota a toujours fait l’objet de débats au sein de ma formation politique. Non seulement elle est prise en compte, mais nous faisons beaucoup de sensibilisation dans ce sens », révèle-t-il.
Continuer le combat
Le ministère de la Justice est partie prenante de l’application de cette loi, car les voies de recours quant à son application sont de la compétence des cours et tribunaux. Pour Dr Kontin Marie Thérèse, chargée des questions relatives au genre au ministère de la Justice, la loi permet d’appuyer l’égalité entre hommes et femmes. « Il faut que les femmes acceptent de se former pour se hisser au niveau des prises de décision », a-t-elle conseillé.
Un autre acteur non moins important intervenant dans l’application de cette loi est le ministère de la Fonction publique. Expression d’une volonté politique, cette loi donne aux hommes t aux femmes « le même droit de représentativité aussi bien dans les décisions administratives que politiques », explique Diallo Assa Diagouraga, conseillère technique en charge des questions de genre. D’ailleurs, a-t-elle fait savoir, le département pilote actuellement un projet pour booster la réussite des femmes au concours d’entrée à l’École nationale d’administration (Ena).
Les femmes maliennes doivent donc continuer à se battre pour mériter cette loi qui est loin d’être un cadeau servi sur un plateau d’or, mais plutôt un simple instrument juridique pour l’équilibre de la vie en société entre les deux sexes.
Tout les lois prise par l’État doit obligatoirement être fonctionnelle en faveur de tout et de tous.