Depuis quelques semaines, le débat sur l’avenir des partis politiques au Mali s’est intensifié, notamment autour d’une idée aussi radicale que controversée : leur dissolution pure et simple. Alors que l’on aurait pu espérer une réflexion constructive sur l’amélioration de notre système démocratique, cette proposition semble davantage relever d’un réflexe d’agacement que d’un véritable projet politique mûri.
En contradiction avec la lettre et l’esprit de la Constitution
La Constitution de juillet 2023 avait, pensait-on, tranché la question en consacrant à nouveau (après la Constitution de février 1992) le multipartisme en clause d’éternité. En effet, conformément à l’article 185 de la Constitution, aucune procédure de révision ne peut être engagée en cas d’atteinte à l’intégrité du territoire, et certaines dispositions — notamment la forme républicaine de l’État, la laïcité, la limitation du nombre de mandats présidentiels et le multipartisme — sont expressément soustraites à toute révision. Ce choix fort visait à garantir un socle démocratique pérenne, à l’abri des conjonctures et des tentations autoritaires. Remettre en cause ce principe reviendrait à fragiliser l’équilibre constitutionnel et ouvrir la porte à des dérives qui, historiquement, n’ont jamais servi l’intérêt général.
Un raisonnement contre-productif
Plutôt que d’assainir la vie politique, la dissolution des partis risque de l’appauvrir. Le diagnostic posé — le dysfonctionnement du système partisan — est certes partagé, mais le remède proposé est inadapté. Parmi les quelques 300 partis politiques enregistrés, seuls une dizaine jouissent d’une réelle notoriété et seulement deux ou trois structurent véritablement la vie politique. Ce sont ces partis dominants qui concentrent l’essentiel des critiques. Dans ce contexte, une réduction du nombre de partis n’aurait qu’un impact marginal sur les causes profondes du malaise démocratique.
Les « petits » partis comme viviers d’innovation
La scène politique fonctionne comme un écosystème. Les formations de moindre envergure, souvent marginalisées, jouent néanmoins un rôle crucial. Elles sont parfois plus audacieuses dans leurs propositions, plus proches des dynamiques citoyennes locales, et peuvent servir de laboratoire d’idées pour les grands partis. Leur disparition affaiblirait la diversité politique et idéologique indispensable à une démocratie vivante.
La tentation de la dissolution des partis politiques est une fausse bonne idée — séduisante à première vue, mais fondamentalement inefficace, voire dangereuse. Plutôt que de s’engager sur cette voie, il serait plus utile d’ouvrir un chantier de réforme sérieux du fonctionnement des partis : encadrement de leur financement, exigence de transparence, soutien à la formation politique, renforcement du lien entre partis et citoyens. Car c’est dans l’approfondissement de la démocratie, et non dans sa contraction, que se trouvent les solutions durables aux crises que traverse le pays.
Comme l’écrivaient très justement Bokar Sangaré et Mahamadou Cissé dans un récent article (Afrique XXI, 10 mars 2025), « les réformes souhaitables pour les partis politiques ne relèvent pas d’un ajustement d’ordre quantitatif mais fondamentalement qualitatif. Or, jusqu’ici, les propositions qui reviennent dans le débat public comme alternatives à “l’inflation” des partis politiques consistent à ramener leur nombre à cinq ou à moins de cinq.»
Ibrahim Maïga est spécialiste des questions de sécurité et de gouvernance.