Promotion du genre au Mali : les réseaux sociaux, des outils à double tranchant
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Promotion du genre au Mali : les réseaux sociaux, des outils à double tranchant

Les réseaux sociaux peuvent être de puissants outils éducatifs et de sensibilisation. Cependant, ils présentent également des risques qui peuvent impacter la promotion du genre chez les adolescents.

« Les réseaux sociaux jouent un rôle significatif dans la formation des attitudes envers l’égalité des genres chez les adolescents. Ils les exposent à une variété de modèles et de normes sociales. Les images, les messages et les vidéos partagés sur ces plateformes peuvent influencer la perception des adolescents sur les rôles et les attentes liés au genre », expliquait Howard Rheingold, sociologue et écrivain dans une tribune au Herald Tribune.

Selon lui, les réseaux sociaux peuvent être des outils puissants pour l’éducation et la sensibilisation : « Des campagnes en ligne, des articles, des vidéos éducatives et des discussions sur l’égalité des sexes peuvent aider à informer les adolescents sur les questions liées au genre. Les réseaux sociaux offrent aux adolescents une plateforme pour s’engager activement dans des discussions sur l’égalité des sexes. Ils peuvent partager leurs opinions, participer à des mouvements en ligne et contribuer à la sensibilisation sur ces questions. » Alexis Kalambry, directeur de publication de Mali-Tribune, abonde dans le même sens. Il voit dans les réseaux sociaux des moyens de « remettre en question et combattre les stéréotypes de genre ». Le partage par les adolescents des expériences, des histoires et des informations contre les idées préconçues, pour lui, encourage « une compréhension plus nuancée des rôles de genre ». 

Facettes multiples

Les réseaux sociaux sont devenus des sources d’information voire de formation pour plusieurs personnes, notamment les jeunes. Ils participent, ainsi, à une démocratisation du savoir et de l’information, estime Coumba Bah, activiste pour les droits des femmes et animatrice de l’émission Mussoya. Surtout dans un contexte marqué par des défis socio-économiques, par des crises structurelles du système éducatif, comme celui du Mali. « Cependant force est de reconnaître aussi l’aspect nocif qui peut résulter de certains usages malsains des réseaux sociaux. Des plateformes tels que Facebook, WhatsApp ou encore TikTok ont également pu servir pour porter des préjudices graves à l’encontre de certains individus », ajoute-t-elle.

Ainsi, des études menées par plusieurs organisations, tel que Plan International ou le Global Citizen, ont souligné que les réseaux sociaux servaient de véhicules pour perpétrer de graves violations de droits humains, notamment envers les femmes et les filles. En 2020, Plan International a réalisé des enquêtes basées sur des témoignages d’utilisateurs dans le monde entier, en recueillant les expériences de 14 000 filles et jeunes femmes dans 31 pays dont le Mali. Les résultats ont indiqué que 58 % des 14 000 filles et jeunes femmes interrogées avaient été victimes de harcèlement en ligne, la moitié d’entre elles déclarant avoir été harcelées plus en ligne que dans la rue.

Les violations étaient encore plus prononcées pour les femmes et les filles qui donnent leurs opinions politiques. En effet, 47 % des personnes interrogées dans le cadre de l’étude avaient attesté avoir été attaquées pour avoir seulement partagé leurs opinions sur les inégalités entre les sexes et les questions féministes. A ce jour, les violences basées sur le genre toucheraient plus de 760 millions de femmes et de filles dans le monde, soit une femme sur trois. Pour Coumba Bah, en tant qu’extension de nos vies, de notre environnement d’échanges et de partage, les réseaux sociaux ne sont pas épargnés par les violences sexuelles et sexistes, des comportements dénigrants et misogynes, diffamatoires envers les femmes et les filles.

La violence sexiste en ligne ou facilitée par la technologie est devenue, en effet, une forme d’injustice et de discrimination basée sur le genre qui inclut, entre autres, la persécution, le harcèlement, l’intimidation et l’exposition à du matériel pornographique non sollicité. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle, facilitant la fabrication de deepfakes, les risques deviennent encore plus élevés.

Promotion de modèles positifs

« Les réseaux sociaux permettent la visibilité de modèles positifs de tous genres. Des personnes influentes, des activistes et des défenseurs de l’égalité des sexes peuvent utiliser ces plateformes pour promouvoir des rôles modèles inspirants et des comportements égalitaires », nuance Alexis Kalambry. Les réseaux sociaux sont souvent utilisés pour sensibiliser aux problèmes spécifiques liés au genre, tels que la violence domestique, le harcèlement sexuel et les inégalités salariales. Cette sensibilisation peut contribuer à changer les attitudes des adolescents envers ces problèmes. Ces outils sont susceptibles d’être utilisés comme un moyen de pression des pairs en matière de conformité aux normes sociales. Les adolescents, influencés par le comportement et les opinions de leurs pairs en ligne, peuvent à leur tour revoir leurs attitudes envers l’égalité de genre.

L’impact des réseaux sociaux sur la formation des attitudes envers l’égalité des genres peut être complexe et parfois contradictoire, car les adolescents sont exposés à une variété de perspectives. La manière dont les réseaux sociaux sont utilisés et perçus peut varier en fonction de la culture, de la région et d’autres facteurs socioculturels. Les éducateurs, les parents et les responsables politiques jouent un rôle crucial dans la promotion d’une utilisation positive et dans la fourniture d’une éducation sur l’égalité des sexes.

« L’information continue et la sensibilisation ne sont pas à négliger, car des fois les violences et abus relèveraient de l’ignorance. Tout individu devrait s’interroger sur la nature de ses posts, blagues et partages sur Facebook, WhatsApp, TikTok, X ou Instagram. Partagerais-je ce post-ci c’était de moi-même, ou ma sœur ou encore ma mère qu’il s’agissait ? Et la nature de la réponse renseignerait si oui ou non on faisait un usage utile des réseaux sociaux », conclut Coumba Bah

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