Mali : 4 dates qui ont marqué l’histoire de la Cour constitutionnelle
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Mali : 4 dates qui ont marqué l’histoire de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle du Mali joue un rôle clé dans la stabilisation des institutions, surtout en période électorale. Depuis sa mise en place avec la Constitution de 1992, elle a connu des hauts et des bas. Voici quatre dates clés qui l’ont marquée.

1992 : adoption de la Constitution de la 3e République

La Cour constitutionnelle au Mali est l’œuvre de la Constitution de 1992, qui a mis en place la troisième République. Cette Constitution institue la Cour constitutionnelle du Mali comme la plus grande juridiction du Mali en matière constitutionnelle. Elle juge de la constitutionnalité des lois et garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Elle joue un rôle important, notamment dans la période électorale, puisque c’est elle qui valide les élections présidentielles et législatives et les opérations de référendum.

1996 : indépendance

Le 25 octobre 1996, la Cour a rendu l’arrêt n° 003 déclarant comme inconstitutionnelle la loi électorale proposée par le gouvernement du président Alpha Oumar Konaré. Comme l’a noté Pierre-Éric Spitz, ancien chargé de mission au Conseil constitutionnel français, l’arrêt n° 003 « a eu un retentissement extrêmement profond dans tout le pays, au sein de la classe politique du Mali et dans les pays africains qui construisent à l’heure actuelle un Etat de droit ». Par ce « coup de tonnerre », comme l’ont qualifié les médias à l’époque, la Cour constitutionnelle s’affirmait comme une juridiction réellement indépendante qui ne se contente pas de valider les décisions du pouvoir exécutif.

2020 : une « dissolution de fait »

En juillet 2020, après plusieurs mois de tensions entre le pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) et l’opposition suite à l’annulation d’une partie des résultats des élections législatives de mars-avril 2020 par la Cour, le président IBK décide d’abroger les décrets de nomination des juges de la Cour, ce qui équivalait à une « dissolution de fait », selon ses propres mots. Ainsi, le président IBK pensait pouvoir calmer les manifestations du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui réclamaient notamment la démission du président IBK lui-même, du président de l’Assemblée nationale et des juges de la Cour constitutionnelle.

Cette « dissolution » fait date, puisqu’elle montre qu’en temps de crise la Cour constitutionnelle elle-même subit les conséquences de l’instabilité politique, alors qu’elle était censée être « indissoluble » pour bien veiller à la stabilisation des institutions. Pourtant, quelques mois avant ce nouveau « coup de tonnerre », Manassa Danioko, la présidente de la Cour, se défendant des accusations de corruption : « Notre mandat est de sept ans renouvelables d’après l’actuelle Constitution. Sans la fin de ce mandat, on n’ira nulle part. Le président ne peut pas nous sortir, aucune action ne peut nous sortir d’ici. » La suite, on la connait.

De la même façon que la Cour constitutionnelle s’était mise sur le piédestal en affirmant son indépendance en 1996, la « dissolution de fait » en 2020 l’a remise sur terre, réaffirmant la suprématie du pouvoir exécutif sur le judiciaire.

2023 : nouvelle Constitution, modification du mode de désignation des juges

La nouvelle Constitution du 22 juillet 2023, qui entérine la Quatrième République du Mali, modifie le mode de désignation des juges de la Cour constitutionnelle.

D’après la Constitution de 1992, la Cour constitutionnelle était composée de neuf juges avec un mandat de sept ans renouvelable une fois. Trois de ces conseillers étaient nommés par le président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, et les trois autres désignés par le Conseil supérieur de la Magistrature.

D’après la Constitution de 2023, la Cour comprend toujours neuf membres ayant un mandat de sept ans, cette fois non renouvelable. Deux d’entre eux sont désignés par le président de la République, un par le président de l’Assemblée nationale, un par le président du Sénat, deux par le Conseil supérieur de la magistrature. A ceux-là, s’ajoutent deux enseignants-chercheurs de droit public désignés par un Collège constitué par les recteurs des universités publiques de droit, et un membre désigné par l’Ordre des Avocats.

En changeant le mode de désignation, les rédacteurs de la Constitution de 2023 ont sans doute voulu répondre aux critiques. Celles-ci ne manquaient pas de souligner que ceux qui nomment les juges sont souvent issus du même courant politique, ce qui risque de compromettre l’indépendance de la Cour.

Avec la Constitution de 2023, il y a toujours la possibilité que la majorité des juges soient nommés par des personnalités issues du même groupe politique, surtout si le parti au pouvoir et ses alliés contrôlent l’Assemblée nationale et le Sénat, étant donné aussi que le président de la République dirige le Conseil supérieur de la Magistrature. Mais le fait qu’au moins un tiers des juges est nommé par des institutions plus ou moins indépendantes comme l’Ordre des Avocats et les universités devrait tempérer l’influence des politiques sur cette Cour.

Cette réforme suffira-t-elle à assurer à la Cour constitutionnelle son indépendance et à la rendre plus efficace dans sa mission de stabilisation des institutions ? Les futures élections nous le diront peut-être.

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