#SiraKura : la création du Sénat au Mali, quels impacts sur la vie politique et institutionnelle ?
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#SiraKura : la création du Sénat au Mali, quels impacts sur la vie politique et institutionnelle ?

Les Assises nationales de la refondation (ANR) ont recommandé, au titre des mesures politiques et institutionnelles, la mise en place d’un Sénat. La mise en œuvre de cette recommandation n’est pas sans conséquences sur la pratique démocratique et l’organisation des rapports entre les pouvoirs publics. De ce point de vue, il importe de s’interroger, au regard de la sociologie politique malienne, sur sa pertinence et l’opportunité de sa création.

Communément appelé « chambre haute », le Sénat est constitutif de la deuxième chambre du Parlement. A ce titre, il a pratiquement le même rôle (voter des lois, contrôler l’action du gouvernement) que la première chambre, à savoir l’Assemblée nationale. Cependant, contrairement à cette dernière, il ne peut être dissous par le président de la République et ses membres ne peuvent non plus mettre en cause la responsabilité de l’Exécutif (le gouvernement). Ce bicaméralisme parlementaire (deux chambres) présente une grande opportunité pour le Mali pour deux simples raisons.

Premièrement, c’est un gage de sécurité pour la décentralisation. Les sénateurs, outre leurs fonctions législatives et de contrôle de l’action gouvernementale, veillent également aux intérêts des collectivités territoriales (communes, cercles, régions). La portée politique d’une telle mission stratégique place le Sénat dans une posture de premier rôle sur des questions relatives notamment à la révision de la Constitution.

Deuxièmement, c’est un moyen de consolidation des institutions de la République. La récente démission du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), entrainant la dissolution de l’Assemblée nationale, a créé une situation de vide juridique absolue qui aurait pu être évitée s’il existait un Sénat, indissoluble par le chef de l’Etat.

Renforcer la démocratie et l’équilibre institutionnelle

Le président du Sénat aurait pu ainsi assurer l’intérim jusqu’à l’élection du prochain président de la République. Ce fut précisément le cas en France jusqu’à deux reprises : en 1969 après la démission du président Charles de Gaulle et en 1974 après le décès du président Georges Pompidou. Ainsi, la continuité de la fonction présidentielle fut alors assurée sans qu’il n’y ait évidemment un vide juridique.

Il convient de noter que la mise en place d’un Sénat répond avant tout à un besoin de renforcement de la démocratie et d’équilibre entre les pouvoirs politiques. Représentant des intérêts des collectivités territoriales, et surtout n’étant soumis à aucun pouvoir de dissolution du président, le Sénat subit moins la conjoncture politique que l’Assemblée nationale. A ce titre, elle échappe à la mainmise du président de la République et dispose, ainsi, d’une plus grande autonomie dans le cadre de la séparation des pouvoirs.

On a très longtemps reproché au régime politique malien l’absence d’une véritable séparation et d’un réel équilibre entre les pouvoirs. De tous les temps, au gré des différents régimes qui se sont succédé depuis l’accession à l’indépendance, la configuration de l’Assemblée nationale a toujours été favorable au président de la République, qui y exerce directement, à travers une majorité acquise à sa cause, une influence directe.

Amélioration de la fonction législative

Il va donc sans dire que la création d’un Sénat permettrait ainsi d’atténuer l’hyperpuissance du président de la République. Les citoyens pourraient alors s’attendre à une amélioration de la fonction législative et à un contrôle plus rigoureux de l’action gouvernementale.

Toutefois, le projet d’élaboration d’une nouvelle Constitution nous oblige à suspendre notre jugement sur certains aspects touchant à la problématique du Sénat. L’on ignore jusqu’ici quel régime politique ou encore quelle forme d’État le pouvoir constituant proposera aux Maliens dans la prochaine loi fondamentale.

Les arguments avancés ici tiennent et restent valables pour un régime semi-présidentiel où la forme de l’État est unitaire et qui est engagé dans une décentralisation poussée, comme c’est le cas actuellement au Mali. Dans un régime présidentiel (Etats-Unis par exemple), le Sénat remplit d’autres fonctions et se révèlent représentant des États fédérés.


  • Ballan Diakité est politologue.

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