Dans notre pays, nous avons chaque jour de nouveaux cas de Covid-19. Malgré que les chiffres grimpent, nombre de femmes continuent à croire dur comme fer que la maladie n’existe pas.
Au début de la crise sanitaire, un grand nombre de personnes disaient qu’il s’agissait d’une maladie de Blancs et affirmaient qu’elle ne pouvait contaminer les Noirs. D’autres ont fait croire qu’il s’agissait d’une maladie de riches et que les Maliens n’avaient pas à s’inquiéter. Après un micro-trottoir de Benbere sur le sujet dans lequel la majorité des participants ont affirmé que la Covid-19 existait mais pas au Mali, je me suis intéressée au cas des femmes qui n’y croient pas en leur demandant pourquoi elles estiment que le Mali n’est pas touché par la Covid-19.
Une femme, 41 ans, confie qu’elle n’y croit pas à cause du nombre de cas qui n’est pas élevé à ses yeux : « Si le Mali était touché, imaginez combien de personnes auraient contracté la maladie en raison du non-respect des mesures barrières. Regardez dans les Sotrama (transport en commun, NDLR) ! Les députés qui ont déclaré qu’ils avaient été testés positifs veulent simplement alimenter le mensonge sur les cas annoncés par le gouvernement.»
Après notre discussion, j’ai compris qu’elle était soupçonneuse parce que les gens interagissent toujours sans égard ni respect pour la distance de 1 mètre. Les gens célèbrent toujours en se regroupant des événements sociaux comme les mariages. Nous ne sommes pas surpris que beaucoup de gens pensent comme elle, surtout en raison du fait qu’aucune mesure officielle n’a été prise pour leur permettre d’utiliser les transports en commun en toute sécurité ou les empêcher de se regrouper lors des événements sociaux.
« Je ne veux pas trop m’inquiéter »
Dans les pays où la Covid-19 fait beaucoup de morts, les autorités ont pris des mesures pour faire respecter au maximum le confinement. Dans ces pays, nous avons vu comment les gens utilisent les réseaux sociaux et d’autres moyens pour se distraire et s’aider psychologiquement à faire face à la pandémie.
Au Mali, de telles mesures n’existent pas et souvent les gens n’ont aucune idée de la conséquence psychologique d’une crise. Il y a une stigmatisation sur la santé mentale. J’ai été donc stupéfaite lorsqu’une de mes interlocutrices m’a dit qu’elle avait choisi de ne pas croire, juste pour sa tranquillité d’esprit : « Mon amie, je ne crois pas pour la simple raison que si je le fais, je vais commencer à m’inquiéter trop pour ma propre santé et ma mort. Vous voyez, j’ai de l’asthme, donc je suis à risque. » Ainsi, cette mère de 3 enfants souhaite rester bien émotionnellement et mentalement. Elle souligne également le fait que le système de santé malien est faible et ne serait donc pas en mesure de contrôler une explosion des cas positifs : « Nous serions morts par million. »
« Un moyen pour le gouvernement de mendier de l’argent »
La troisième femme que j’ai interrogée est une connaissance avec laquelle j’achète mes légumes. Je l’ai vue assise très près de son amie au marché et aucune des deux ne portait de masque. Quand je lui ai dit de faire plus attention, elle a répondu : « Cette histoire de Covid-19 n’est pas vraie, c’est juste un moyen pour le gouvernement de mendier de l’argent. Je suis sûr que les citoyens qui se déclarent malades ne le sont pas et reçoivent de l’argent pour cela. »
Elle n’est pas la seule à croire dur comme fer que des gens sont payés pour se déclarer atteints de la Covid-19. Un de mes collègues entretient la même rumeur. J’ai compris son point de vue, parce qu’outre le bien-être psychologique de leurs citoyens, certains pays ont choisi d’aider financièrement. Mais au Mali, le gouvernement a opté pour une autre méthode, à savoir demander aux citoyens de contribuer aux efforts de lutte contre la Covid-19.
Je ne blâme pas ces femmes, même si je ne partage pas leur point de vue. Mais il faut comprendre qu’en fait, depuis l’apparition des premiers cas au Mali, la communication du gouvernement n’a pas été exempte de reproche et les mesures qu’elle a prises se contredisent souvent. Par exemple, les écoles ont été fermées juste après l’annonce des premiers cas. Un couvre-feu a été installé, mais les élections législatives ont été maintenues. Et, last but not least, avec des centaines de cas de Covid-19 les écoles vont rouvrir ce mardi 2 juin.
Je crois que le gouvernement, en tant que responsable de notre santé et de notre bien-être, doit veiller à ce que nous soyons en sécurité. Il doit aussi faire un meilleur travail de communication et s’assurer que les mesures qu’il édicte ne se contredisent pas.