Entre difficultés financières, procédures inaccessibles, entreprendre au Mali est un parcours du combattant pour les jeunes. La situation interpelle.
« L’entrepreneuriat consiste à résoudre des problèmes », explique Moussa Hubert Ouologuem, formateur en entrepreneuriat. Directeur de Xpertpro, un centre de formation en développement personnel, éducation financière, gestion de projet et communication, Ouologuem connait bien les difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés lorsqu’ils se lancent dans l’entrepreneuriat. « C’est difficile d’avoir le financement avec les banques parce qu’il faut avoir des garanties. Ce n’est pas très facile pour les jeunes entrepreneurs de se développer. » Pour lui, qui a beaucoup échoué par le passé, « L’État doit vraiment faciliter l’environnement, permettre de venir investir dans les jeunes entreprises ».
Le parcours de Ousmane Goïta, dit « Batan », est quasi identique : tour à tour cinéaste, photographe et infographe avant de se trouver vers l’agriculture. Après son baccalauréat, Goïta a suivi une formation en informatique entre 2007 et 2008. Plus tard, il ouvre son cybercafé avec quelques amis. Ce business n’ayant pas été un succès, il crée encore, cette fois-ci seul, son 1er studio (un espace multimédia). Puis passe le concours d’entrée au Conservatoire des arts et métiers multimédias Balla Fasseké Kouyaté, en 2016. Ce qui lui permet, entre 2017 et 2020, de formaliser UNIMOD, une plateforme de réalisation audio-visuelle dans le domaine de la mode et de l’événementiel.
Élargir son business
Le studio existe toujours à Niamakoro, avec un secrétariat permanent, mais la boite reste « toujours coincée par rapport au payement des impôts et fisc ». C’est ce qu’il nous a expliqué le jour de son anniversaire, le 14 février dernier, au cours de notre entretien dans son local. Une écharpe grise au tour de son coup, le jeune homme de teint noir et costaud pesait ses mots et sourires. « Possédant un espace cultivable dans la zone aéroportuaire de Niamakoro, depuis très longtemps, c’est là-bas où j’ai commencé mes activités saisonnières en 2009 avant de me retrouver sur le terrain du maraîchage en 2020. La première année a été très difficile avec un énorme problème d’eau », relate ce champion de l’animation 3D.
Loin de Ouologuem et de Goïta, Koura Fatouma Diallo est une jeune entrepreneure basée à Ségou. Elle transforme des papiers déchets, carton et en objet de décoration, un art qu’elle place dans la catégorie de l’origami. « A Ségou, les gens ne considèrent pas trop ce que je mène comme activité. Ils ne sont même pas prêts à investir dans le papier. » Elle pense à élargir son business en ajoutant les locations de bâches et chaises en plus de ses activités de décoration.
Une question de volonté politique
Avec 3 millions de francs CFA, elle dit pouvoir bien démarrer toutefois. Mais ce sont les moyens qui font toujours défaut. « Nous avons tous des personnes plus ou moins aisées dans nos différentes familles, mais aider quelqu’un de la famille pose chaque fois problème. » Sa start-up Origami reste jusqu’à présent dans l’informel, jugeant les conditions de création d’entreprise difficiles. Toutefois, son projet a séduit les membres de l’équipe du Kôrè Fab-Lab, une structure d’incubation du festival sur le Niger devenu Ségou’Art. Chaque année, 5 innovateurs sont primés à travers cette initiative. Elle, comme Ousmane Goïta, ne possède aucun compte d’entreprise dans aucune banque.
« Il faut dématérialiser la procédure de création d’entreprise, permettre aux uns et aux autres de créer ou de fermer leurs firmes, en un clic, en ligne. » C’est ce que pense Modibo Mao Makalou, l’économiste malien et ancien conseiller aux affaires économiques à la présidence du Mali. « Deux maliens sur trois ont moins de 25 ans. Les fonctionnaires représentent moins de 1 % de la population malienne ». Ce qui devrait accélérer l’entrepreneuriat, notamment chez les jeunes. « Parce qu’il n’y a pas d’autre débouché », a-t-il ajouté.
« Malheureusement, vous allez prendre notre code des douanes, notre code des impôts, personne n’y comprend rien. Ce sont des documents de milliers de pages. On ne s’y retrouve pas », relève l’économiste qui conclut sur une note d’optimisme : tout « possible » et l’espoir du secteur ne dépend que d’une de la « volonté politique ».