Dans son livre intitulé Le Mali contemporain, Mamadou Diarafa Diallo remet en cause la façon de penser le vivre ensemble des Maliens.
Dans ce livre, l’économiste et anthropologue malien fait une analyse sans complaisance du Mali depuis le coup d’État du 22 mars 2012. Depuis cette date, « tout ou presque tout s’effondra en si peu de temps. Le traumatisme est sans pareil pour les Maliennes et les Maliens. Et il va durer. Il dure encore ».
Le Mali, qui était jusque-là encensé par la communauté internationale comme un exemple de réussite de la démocratie, devient l’ombre de lui-même. Il voit une grande partie de son territoire basculer dans la violence et le terrorisme sans savoir quoi faire. L’auteur compare ce Mali traumatisé à une équipe dont les joueurs marquent contre leur propre camp.
Les mauvais joueurs
L’auteur fait observer que les mauvais joueurs de la Team Mali ne sont pas seulement les séparatistes, les djihadistes et compagnie. Il épingle aussi l’élite politique et intellectuelle de Bamako, qui « fait l’économie de réflexions profondes pour courir derrière les raccourcis de ‘gagne-pain’ rapides ». La réflexion a été remplacée par l’émotion, qui se traduit par les nombreux messages d’appel à l’unité nationale.
Cette incapacité des élites à réfléchir en profondeur sur les causes de la crise serait donc la cause de leur incapacité à proposer des solutions qui s’imposent aux nombreux problèmes que rencontre le Mali.
Les politiciens ont donc choisi la solution de la facilité : celle de répondre à la violence par la violence. Et cette solution s’est révélée être un échec « incapable de produire une paix durable ».
Alors, que faire ?
L’auteur propose à l’État malien de « revisiter le contrat social ». « Pour cela, il s’agira de faire la lumière sur les actions et les acteurs de notre histoire récente, d’oser mettre en œuvre un État de société inclusif et, au-delà de tout, construire un État participatif », écrit-il.
Mamadou Diarafa Diallo fait observer que, malgré le discours officiel qui proclame l’égalité, la naissance et le sang continuent de déterminer le rôle et la contribution de chaque Malien dans l’action publique de son pays. Autrement dit, seuls peuvent accéder aux responsabilités ceux qui sont « bien nés », même s’ils sont médiocres, et la majorité des méritants sont exclus comme des outsiders par l’establishment politique local et national. Cette masse d’« humiliés » constitue donc un terreau fertile pour le recrutement des groupes extrémistes violents.
L’auteur conclut que, pour sauver le Mali, « il ne suffit pas de crier à longueur de journée que le « Mali est un et indivisible » car cela n’éliminera pas toute velléité de partition… Les hymnes à l’unité ne sont pas suffisants pour exorciser les démons de l’extrémisme violent et des conflits intercommunautaires. Aujourd’hui encore, le défi ne réside pas tant dans la coexistence pacifique des communautés que dans la capacité à mener une action publique cohérente et efficace pour un développement équitable. »
En un mot, Mamadou Diarafa Diallo appelle au sursaut du Mali, qui doit se manifester non seulement par l’amour de la patrie, mais aussi par la remise en cause de la manière de penser et d’agir des Maliens. Oui, semble-t-il dire, le Mali peut retrouver sa gloire d’antan. Mais il faut que les Maliens acceptent d’en payer le prix.
Ce remplacement de la réflexion par l’émotion par les élites arrive généralement lorsque celles-ci sentent que derrière il n’y a personne pour veiller sur leurs actes.
Dans ce pays, que de critiques des dirigeants, mais que fait le peuple pour changer tout ça?
Tout le monde reste préoccupé par la recherche du quotidien. Cette course aux intérêts a tellement aveuglé les Maliens que même on peine à avoir une société civile. La corruption, le favoritisme, sont encouragés par ce même peuple qui les décrie. Sinon comment imaginer qu’on puisse prendre et payer un domestique et qu’il ne fasse pas ce que nous voulons et sans conséquence?