Depuis le début de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation, les populations espèrent en vain une élévation du niveau de sécurité. La ville de Tombouctou est hélas caractérisée ces derniers temps par une montée de l’insécurité. Après un moment d’accalmie, les agressions avec vols de véhicules ont repris. Le mois d’octobre 2018 a été émaillé d’enlèvements de véhicules de l’État et de ceux des ONG, au nez et à la barbe des forces militaires, écrit le blogueur Randane Ould Barka.
Les voitures de l’État et ceux des ONG sont les cibles privilégiées, mais celles des populations aussi sont loin d’être à l’abri. Ces actes, il y a quelques années, se faisaient seulement dans les coins reculés, sur les routes en dehors de la ville. Mais actuellement, en plein centre-ville, les auteurs, décrits par certains habitants de Tombouctou comme étant de jeunes chômeurs, insouciants, séduits par l’argent facile, ne passent plus par quatre chemins.
Les chauffeurs sont braqués tout le temps, n’importe où, dans des scènes dignes d’un film. Deux à trois individus se positionnent avec des armes devant le véhicule, une pointée directement sur le chauffeur, qui descend par souci de préserver sa vie, et l’abandonne aux mains des assaillants. Souvent, ils tirent en l’air et s’en vont sans être inquiétés, puisqu’ils ne sont pas poursuivis.
Plus de 40 véhicules en 3 ans
Ces actes, de plus en plus fréquents, mettent l’autorité de l’État en cause : la sécurité reste un vœu pieu, des dizaines de véhicules sont enlevés sans aucune réaction de la part des forces militaires présentes à Tombouctou. De fait, aucun véhicule n’a jamais été poursuivi afin de mettre la main sur les auteurs de ces enlèvements, malgré la forte présence des forces internationales et des groupes armés.
Durant ces trois dernières années, plus de 40 véhicules ont été enlevés, y compris ceux appartenant à des civils. Le 8 décembre, aux environs de 19h, un véhicule de la Banque internationale pour le Mali (BIM) a été enlevé devant le stade municipal : le chauffeur a été forcé de descendre de l’engin.
Une ville non contrôlée ?
Cette situation alarmante donne l’impression que la ville n’est pas contrôlée par les forces de l’ordre et de sécurité. « C’est la deuxième fois qu’on nous enlève nos voitures de service, confie un agent d’une ONG ayant requis l’anonymat. Actuellement, nous n’avons plus de véhicules ici, j’ai l’impression d’être dans un film. Nos autorités ne réagissent pas au moment où il le faut, je ne sais pas où sont passés ceux qui sont censés nous protéger. Même si on a un nouveau véhicule, on ne peut pas l’utiliser dans ces conditions. »
Les populations, quant à elles, se mettent dans la posture de l’aveugle et du sourd, préférant garder le silence au profit de leur propre sécurité. Elles craignent pour leur vie et déplorent l’absence de dispositif sécuritaire. Ceux qui pourraient témoigner sur des comportements suspects, ou contribuer à l’arrestation de suspects, craignent aussi pour leur vie. « Même si je connais les auteurs d’un enlèvement de véhicule, je ne dirais rien, explique par exemple Mohamed, un habitant de la ville. Pourquoi les dénoncer pour qu’ils viennent me tuer après ?»
Collaboration nécessaire entre tous les acteurs
Les populations sont inquiètes par la reprise de ces actes, notamment ceux qui possèdent des véhicules. Car après les véhicules de l’État et ceux des Organisations non gouvernementales, il y a fort à parier qu’ils vont s’en prendre aussi à ces personnes vulnérables, qui n’ont rien pour se défendre.
La ville est dans une situation de laisser-aller. Mais jusqu’à quand ? Cette situation engendre un sentiment de désespoir chez les populations qui aspirent à la paix et à la libre circulation des personnes et leurs biens. Les autorités doivent se réveiller et mettre des dispositions en place pour arrêter ces actions en collaboration avec les populations. Les populations doivent comprendre que si jamais elles continuent à se cacher, par peur de représailles, elles ne seront jamais en sécurité. La contribution de tout un chacun est nécessaire pour rétablir la quiétude.