Pour Mohamed Maïga, ingénieur social, intervenant sur les politiques socioéconomiques de territoire, notre monde va très vite, et l’Afrique aussi doit suivre le rythme.
Cette partie du 21ᵉ siècle est caractérisée par une triple accélération. Ces accélérations, nous les vivons au quotidien, dans les sociétés modernes. Et, seules quelques communautés en totale reclusion avec le monde moderne arrivent à y échapper partiellement. Notre époque va tellement vite qu’on pourrait tout simplement évoquer qu’il est en mode automatique. Les cycles de vie, la durée de validité de choses qui nous entourent, les réalités construites tombent en désuétude si vite qu’on pourrait s’imaginer toujours encore en train de rêver alors qu’on vit tout simplement dans une réalité, mais de très courte validité.
La technique est l’un des premiers éléments de notre époque à connaître une accélération incroyable. Et sans limites. Voyons en combien d’années, nous avons abandonné l’utilisation de nos fers de repassage archaïques pour des machines autonomes à même d’assurer un repassage qu’un être humain ne pourrait faire en mieux. L’accélération technique est surtout liée au rythme croissant de l’innovation dans les transports, la communication et la production. Peut-on y échapper ? Oui. Mais on y perd beaucoup trop aujourd’hui. En Europe, ceux qui n’ont pas appris à utiliser un ordinateur pendant les premières années de l’explosion de cet outil, ont aujourd’hui du mal à suivre les échanges concernant la retraite. Ils peuvent faire un an ou plus avant de bénéficier totalement de la retraite. La raison est simple : tout ou presque est informatisé.
On pourrait toujours se battre et croire à l’idée d’un affaiblissement du rythme toujours croissant de l’informatisation de la vie quotidienne. Mais cela n’a presque aucune chance d’arriver. La vitesse à laquelle notre époque évolue est accentuée par l’informatique et les nouveautés dans les moyens de transports et de communication. Si on a compris une chose après quelques années d’accélération des moyens techniques, c’est bien le fait qu’on doit tous et presque toujours essayer de se conformer.
En outre, tout change aussi très vite au niveau du rythme de la vie. C’est donc une accélération du rythme de la vie. Cela pourrait s’interpréter comme le fait de faire plus de choses et très peu de temps. Tout est calculé et le temps est compté. Sans y faire une si importante allusion, on se rappellera des mots d’un ancien président français : « Travailler plus pour gagner plus ». Sauf que même en travaillant plus, en réalité, rien ne vous assure que vous gagnerez plus. Car avec l’accélération du rythme de la vie, il est tout à fait « normal » que vous produisiez plus en peu de temps.
Droits des femmes
Prenons l’exemple d’une femme de classe populaire en France. Elle doit se réveiller tôt le matin, à 6h. Elle doit préparer ses enfants pour l’école et préparer le petit déjeuner, pour 8h à l’école. Elle doit revenir chez elle pour faire le ménage, pour 12 h, et se préparer pour son travail, qui se trouve à 1h30 de son domicile. Elle doit y travailler 2h pendant que ses enfants déjeunent à la cantine scolaire. Elle doit retourner à son autre travail, qui se trouve à 1h30 de là où elle était et doit récupérer ses enfants à 16h30 à l’école. Elle rentre chez elle, elle doit préparer le dîner, faire prendre le bain, elle dormira à minuit pour se réveiller à 6h. On pourrait lier cet exemple à une question de droits des femmes, ce qui est totalement logique, pertinent et cohérent.
D’ailleurs, ce rythme de vie correspond est parfois à placer en parallèle d’une participation plus importante des hommes dans les tâches ménagères (même si cette évolution est lente). Cependant, c’est aussi quelque chose totalement liée en partie ou en entier à son accélération, car les hommes dans ces familles, vivent également des conditions de stress liées à un environnement global pour lequel ils n’ont pas la main.
En plus de l’accélération des moyens techniques et celle du rythme de la vie, notre époque connaît une impressionnante accélération du changement social. Cette dernière renvoie au rythme toujours aussi croissant des changements dans les institutions sociales. Ce qui se trouve « vrai » aujourd’hui dans une famille, dans un groupe social, dans un environnement de travail ne l’est plus ce soir ou demain. Les raisonnements, les pratiques, les perceptions sur les choses de notre vie sociale changent à un rythme « infernal » pour les humains de notre époque. La connaissance s’acquiert rapidement et tombe en désuétude presque à la même vitesse. Le temps de la conservation pure des connaissances anciennes est dépassé.
Incontournable accélération
Nous conformer à la vitesse des changements et des « progrès »? Nous battre pour la décélération des rythmes de notre vie ? La réponse est toujours tranchée. En outre, pendant ce temps, une chose devient de plus en plus certaine, les maladies dépressives deviennent courantes et les conséquences environnementales liées à notre mode de vie nous condamnent chaque jour à de nouvelles maladies.
Et l’Afrique ? L’Afrique est loin d’être épargnée par les accélérations et ses multiples conséquences aussi positives que négatives. Elle est surtout au cœur de la nouvelle forme de mode de vie. Les États africains sont contraints d’innover pour se faire valoir et l’innovation aujourd’hui rime avec l’incontournable accélération. L’Afrique doit aller plus vite, beaucoup plus vite ! La lourdeur administrative et l’inefficacité technique, les difficultés d’accès aux transports doivent laisser la place à des logiques d’accélération beaucoup plus importantes. Et pour y arriver, il est nécessaire de valoriser et de soutenir la créativité dans toutes ses formes. Le soutien aux start-up et aux économies dites « informelles » sont des clés.
Une première version de cet article a été publiée ici.