Mali : comment meurt un Accord pour la paix et la réconciliation ?
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Mali : comment meurt un Accord pour la paix et la réconciliation ?

Si le gouvernement de transition a déclaré la « fin » de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR), issu du processus d’Alger, c’est parce que les rapports de force ont évolué, observe le blogueur Cheibane Dembélé.

Le 25 janvier 2024, le gouvernement malien de transition a annoncé, par la voix de son porte-parole, le colonel Abdoulaye Maïga, la « fin » de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, « avec effet immédiat ». Pour cause, cet accord signé en 2015 sous les applaudissements de la communauté internationale souffrirait d’une « inapplicabilité absolue ».

Les autorités maliennes avancent trois raisons, qui ont motivé cette décision unilatérale. Primo, certains groupes armés signataires de l’APR ont repris les armes et auraient « commis et revendiqué des actes terroristes ». Secundo, Bamako évoque « l’incapacité de la médiation internationale à assurer le respect des obligations incombant aux groupes armés signataires » de l’accord. Tertio, les autorités de transition dénoncent « les actes d’hostilité et d’instrumentalisation de l’accord » par les autorités de l’Algérie, chef de file de la médiation qui a facilité la signature de l’accord. Bamako accuse son grand voisin du nord d’avoir accueilli certains des rebelles considérés par les autorités maliennes comme des terroristes.

Changement des rapports de force

Il convient de se demander comment on en est arrivé là. Le constat est que les rapports de forces ont changé, amenant les politiciens et une partie importante de l’opinion publique malienne à penser qu’ils avaient été « dupés ». Quand cet Accord a été signé, le Mali était « dos au mur », comme l’a dit un intervenant interviewé par une télévision étrangère. Une coalition de groupes indépendantistes et djihadistes avait attaqué le nord du Mali en 2012 et menaçait de foncer sur Bamako si ce n’était l’intervention des forces françaises de Serval, puis Barkhane.

Aujourd’hui, l’armée malienne a repris Kidal, le bastion des indépendantistes, et les forces françaises et onusiennes sont parties. Les autorités maliennes pensent donc qu’ils ont la main libre et que le moment est venu de mettre fin à un accord encombrant dont la mise en œuvre est surveillée par une multitude d’acteurs.

Le dialogue direct inter-malien, une panacée ?

Dans le même communiqué, qui annonce la fin de l’APR, Bamako invite les signataires de l’Accord « non impliqués dans le terrorisme » à participer au « dialogue direct inter-malien », annoncé par le président de la transition Assimi Goïta dans son discours du 31 décembre 2023.  Mais ce dialogue réussira-t-il là où l’APR, soutenu par toute la communauté internationale, a échoué ? Seul l’avenir nous permettra de répondre à cette question.

Ce qui est sûr, c’est que le Mali ne peut se passer du concours des pays voisins et de la communauté internationale pour rétablir la paix sur tout son territoire. Les témoignages exprimés dans le podcast « Mali, l’histoire d’une crise » de la journaliste Nathalie Prévost montrent que les groupes dits djihadistes et indépendantistes ont été formés et circulent dans les pays voisins, notamment en Algérie, Libye, Niger, Burkina Faso, pour ne citer que ceux-ci. Le Mali ne trouvera pas la paix si ses relations avec l’Algérie continuent de se détériorer.

Garder la porte ouverte au dialogue

Dans son discours, en réponse aux vœux des autorités coutumières et religieuses le 15 janvier 2024, le président de la transition Assimi Goïta a dit : « Entre les États du monde, il n’y a ni amitié, ni pitié, ni arrangement ; il n’y a que les intérêts. La France et la MINUSMA ne déboursent pas quotidiennement plus d’un milliard de FCFA au Mali par affection pour les Maliens, mais plutôt pour leurs propres intérêts. »

Malheureusement, les acteurs politiques maliens ne sont pas à l’abri de cet égoïsme. Il est à craindre que le dialogue direct inter-malien tel qu’annoncé par les autorités de transition soit accaparé par les luttes politiques et les intérêts des différents groupes qui vont y participer. Ce risque est d’autant plus grand que ceux qui trouvent l’urgence dans l’organisation des élections pourraient considérer ce nouveau type de dialogue comme un prétexte pour les autorités de transition pour se maintenir au pouvoir.

Le dialogue inter-malien est nécessaire, mais la recherche de la paix doit rester un impératif. Pour ce faire, les autorités maliennes devraient veiller à ne pas fermer définitivement la porte à ceux qu’ils considèrent comme « terroristes ». Si les indépendantistes se sentent exclus de toute possibilité de négociation, ils pourraient en profiter pour remobiliser leurs troupes, et « les mauvais vents du nord » risquent de souffler encore sur le Mali.

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