Depuis le début de la Troisième République, les élections présidentielles et législatives ont toujours été entachées par de nombreuses irrégularités, qui ont souvent poussé la Cour constitutionnelle à annuler une partie importante des voix. Certaines de ces irrégularités sont dues à l’incompétence ou au manque de moyens de l’administration. Mais d’autres sont l’œuvre de politiciens véreux qui veulent faire pencher le vote à leur avantage illégalement.
Voici dix irrégularités qui ont été dénoncées par les politiciens, surtout lors de l’élection présidentielle de 2018.
1. Achat de vote
On dit souvent que l’argent est le nerf de la guerre. Les politiciens maliens n’ignorent pas ça et ce n’est pas rare qu’ils distribuent des billets le jour de l’élection, tout près des bureaux de vote. A l’issue du premier tour des élections présidentielles de 2018, le candidat de l’opposition Soumaila Cissé a demandé à la Cour constitutionnelle « l’annulation pure et simple des opérations de vote » dans certaines localités, accusant les proches du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) d’avoir « distribué de fortes sommes d’argent ».
Dans d’autres localités, les avocats de Soumaila Cissé ont souligné que « les centres de vote ont été transformés en théâtre d’achat des voix en faveur du candidat Ibrahim Boubacar Keïta ».
2. « Bandits armés » dans les bureaux de vote
En 2018 et 2020, les groupes armés ont empêché le vote dans beaucoup de localités du centre et du nord du Mali. Dans leur requête devant la Cour constitutionnelle, les avocats d’un candidat de l’opposition ont fait savoir que « des bandits armés ont fait irruption » dans certains centres de la commune rurale de Timiniri dans la région de Mopti et « ont chassé les électeurs et les membres des bureaux de vote en emportant avec eux tout le matériel de vote ». De tels incidents se seraient passés aussi dans certaines zones de la région de Tombouctou.
3. Bureaux de vote fictifs
L’existence de bureaux de vote fictifs a été dénoncée notamment dans certaines circonscriptions des régions de Tombouctou, Gao, San, Kidal, etc. En 2018, un candidat affirmait que dans une des communes de la région de Tombouctou « aucun vote n’a eu lieu ; cependant le Maire a pris 80% des bulletins pour Ibrahim Boubacar Keïta et laissé 20% pour lui le requérant ».
4. Manque de matériel électoral
Beaucoup de candidats ont dénoncé en 2018 le manque de bulletins de vote dans beaucoup de localités. Au centre de vote de Badialan III, à Bamako, « à 11 heures, il n’y avait pas de bulletins de vote dans les bureaux à l’exception d’un seul », se plaignait un candidat. A Sikasso, certains bureaux de vote « n’ont pas été retrouvés » et « les électeurs devant exercer leur droit de vote dans ces bureaux en ont été privés ».
5. Assesseurs empêchés d’émarger
Pendant l’élection présidentielle de 2018, un candidat a dénoncé que dans un des bureaux de vote de Medina-Coura, à Bamako, des assesseurs « ont été empêchés d’émarger sur la fiche d’émargement ». L’absence des assesseurs de l’opposition aurait aussi été constatée dans certains bureaux de vote de Tabakoto, dans le cercle de Kéniéba.
6. Expulsion des mandataires
Un candidat s’est plaint qu’un président d’un des centres de vote de Bamako Coura Bolibana avait « expulsé » son mandataire, ce qui serait une violation de l’article 96 de la loi électorale qui stipule que « tout candidat a le droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix dans tous les bureaux […] »
7. Absence des cartes d’électeur non enlevées
Pour différentes raisons, beaucoup de Maliens ne retirent pas les cartes d’électeur à temps. L’article 62 de la loi électorale en vigueur pendant l’élection présidentielle de 2018 stipulait que les cartes d’électeur non enlevées soient déposées dans le bureau de vote le jour de l’élection. Or, on lit dans une requête « qu’au centre de vote du cercle de San (Région de Ségou), dans les bureaux de vote n°1 du centre de Missira et des bureaux n°01 à 06 du centre de Bagadadji, les cartes d’électeur non enlevées n’ont pas été déposées dans le bureau de vote, empêchant du coup le vote des électeurs »
8. Composition irrégulière des bureaux de vote
Certains candidats ont dénoncé l’absence de présidents de certains bureaux de vote. Or, « l’article 83 [de la loi électorale, NDLR] fait de la présence du président une condition obligatoire de la composition régulière du bureau de vote », s’est plaint un candidat lésé à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle en 2018.
9. Procurations illégales
Les documents que les électeurs doivent présenter pour voter sont fixés par la loi électorale. Mais un candidat a dénoncé en 2018 « des votes au moyen de procurations dans des conditions illégales ». Un tel cas se serait passé notamment dans une des communes de la région de Gao où « le Maire exhibant une lettre circulaire qui serait signée du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation avait demandé aux présidents des bureaux de laisser voter tous ceux qui détiendrait une procuration visée par ses soins », lit-on dans une requête.
10. Recours abusif à la procédure d’annulation des votes
C’est le candidat Aliou Diallo, arrivé troisième à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle de 2018, qui a souligné que « dans les localités comme Nara, Banamba, Nioro et Niono, qui sont toutes des localités où l’électorat lui est favorable, le taux de bulletins nuls est étonnamment élevé, toute chose résultant d’un recours abusif à la procédure d’annulation des votes ».