Difficile de ne pas entendre parler des disparitions de personnes à Bamako ces derniers temps. Les réseaux sociaux, en plus des chaînes radiophoniques de la place, sont mis à contribution pour les relayer.
Les disparitions de personnes ne sont pas rares à Bamako, la capitale malienne. Il fut un temps où elles ne concernaient que les enfants, qui s’égaraient en cours de promenade. Ces derniers temps, les individus de tous âges disparaissent dans la nature (adolescents, jeunes, adultes et vieux). De plus en plus de familles perdent de vue leurs proches, durant de longs moments le plus souvent.
Au bout de quelques jours de recherche, certains viennent à rentrer en contact avec leurs proches. Malheureusement, c’est peine perdue pour beaucoup d’autres, qui souffrent quotidiennement des douleurs de la disparition d’un être cher.
Cas divers
Mariam S., une jeune mère bamakoise, a enduré durant deux semaines la douleur de la disparition de son enfant de moins de 10 ans : «Il a profité d’un moment d’inattention dans la maison pour sortir, témoigne-t-elle. Nous l’avons recherché partout dans la ville, relayé l’information sur les réseaux sociaux et sur une chaîne de radio. »
Mariam aura passé deux semaines entières à rechercher son enfant, qu’elle a fini par retrouver grâce à des personnes de bonne volonté qui l’ont hébergé, tout en relayant l’information elles aussi. Il s’en est fallu de peu pour que la mère perde et son enfant et son mariage : « Mon mari, très en colère, a failli me mettre à la porte », confie-t-elle.
Cette maman quinquagénaire, F. Sidibé, très remontée contre le cas particulier de disparition d’enfants, dira que les jeunes couples d’aujourd’hui ne gardent plus assez l’œil sur les enfants : « Les enfants quittent le domicile familial comme ils veulent sans que personne ne s’en aperçoive. C’est très grave, où-va-t-on ? »
« Coupeurs de tête »
Elles sont nombreuses, comme Mariam, à avoir ainsi perdu leurs enfants. Dieu faisant bien les choses, certaines finissent par les retrouver sains et saufs. La famille Coulibaly, résidant à Baco-Djicoroni, en commune V du district de Bamako, avait également perdu leur jeune fille de 16 ans, qui a quitté le domicile familial pour ne revenir que quelques jours après. Une mésentente avec sa tante chez qui elle héberge en serait la cause. Tout compte fait, c’était la panique dans cette famille où tous les moyens usuels d’information ont été mis à profit pour faire des annonces de disparition. Des aide-ménagères, en commission, ne parviennent plus à retrouver le chemin de leurs domiciles. Les quelques rares photos prises d’elles par la famille d’accueil servent de moyens uniques pour pouvoir les retrouver.
Malheureusement, à l’exemple de la Famille Diakité à Sabalibougou, d’autres ne rentrent plus en contact avec leurs proches. Cela fait deux mois que cette famille recherche leur jeune fille d’environ 20 ans : « C’est une habitude chez elle, mais elle revenait quelques temps après. Elle a trop duré cette fois-ci et cela nous inquiète de plus en plus. Nous continuons à la rechercher, mais on ne l’a pas encore retrouvée. »
Des adultes également font partie du lot. Le cas de ce chef de famille, qui a abandonné ses femmes et ses enfants pour aller s’installer dans un village de sa région d’origine, résonne encore dans mon esprit. Elles ont souffert de l’absence de leur mari, un long moment, avant de prendre connaissance des nouvelles de ce dernier. Toujours est-il qu’elles ne l’ont plus revu.
Des cas plus graves ont défrayé la chronique. On se rappelle encore de celui du Dr Sékou Traoré de l’hôpital Gabriel Touré, dont la disparition a eu tout l’air d’un enlèvement. Le corps sans vie de l’homme de santé avait d’ailleurs été retrouvé au bord du fleuve Djoliba. Des suppositions de cas de disparition d’enfants séquestrés par des « coupeurs de têtes » sont également présentes dans le mental populaire bamakois.
Peine intenable
Qu’il est dur de rester sans nouvelle d’un être cher disparu dans la nature des jours durant. Mariam nous avoue qu’elle n’avait plus d’appétit et peinait à retrouver le sommeil pendant ces jours d’absence de son enfant. Kadia D., dont la servante avait disparu également dans la nature, raconte qu’elle a ressenti un grand ouf de soulagement lorsqu’elle l’a revue trois jours après : « Je craignais tellement cette lourde responsabilité ! Une jeune fille qu’on accueille pour un temps, qui finit par se perdre. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir dire à ses parents », s’interroge-t-elle. D’autres font des jours sans nouvelles de leurs proches et finissent par les retrouver alités dans un hôpital, victimes d’accidents de circulation.
Les causes de ces disparitions sont nombreuses, mais la peine ressentie par les proches inquiets reste la même. Il faut, au demeurant, relever que l’insécurité ambiante dans notre ville est à la base de nombreux cas de disparition.