États généraux de l’éducation : quel espoir pour l’école malienne ?
article comment count is: 1

États généraux de l’éducation : quel espoir pour l’école malienne ?

La phase nationale des États généraux de l’éducation (EGE) se tiendra du 16 au 19 janvier 2024 à Bamako. Un énième rendez-vous important de la transition après les États généraux de la jeunesse (EGJ), organisés du 1er décembre au 22 décembre 2023, qui s’inscrit dans la mise en œuvre des résolutions des Assises nationales de la refondation (ANR).

Les EGJ ont vu une forte participation des jeunes du Mali et de la diaspora avec la remise du document final au Président de la transition, le colonel Assimi Goïta. Il n’en est pas de même pour les EGE, qui ne suscitent pas le même engouement au sein de l’opinion, en particulier chez les élèves et étudiants, les enseignants ainsi que les partenaires de l’école malienne. Justement, l’école est-elle devenue une cause perdue ? Pourquoi ce désintérêt vis-à-vis des États généraux de l’éducation ?

Entre lassitude et désespoir

Le professeur Ibrahima Ndiaye, promoteur du système d’enseignement traditionnel appelé « do ‘kayidara », invitait, dès octobre 2023 lors d’une conférence-débat, les élèves et étudiants à se préparer pour participer pleinement aux États généraux de l’éducation. Sa convocation était déjà annoncée afin de réfléchir sur les conditions « d’instauration d’un système éducatif performant et compétitif et la problématique de l’éducation et des questions scolaires », comme on peut le lire dans le rapport final des Assises nationales de la refondation. L’objectif de cet appel du professeur Iba Ndiaye était de mobiliser les jeunes élèves et étudiants pour que leur avenir ne soit pas défini et décidé en leur absence.

Cependant, force est de constater qu’à l’annonce de la phase nationale, les réactions des jeunes sur les réseaux sociaux démontrent qu’ils ont malheureusement été les grands absents des EGE, surtout aux ateliers tenus dans les capitales régionales, dans le district de Bamako et dans la diaspora. Pourtant, ces réactions des jeunes sur les médias sociaux démontrent qu’il y avait tout de même un désir de participation s’ils avaient été informés et associés.

Les déceptions se lisent donc ainsi : « Ah ! l’Éducation, le parent pauvre des autres secteurs au Mali… » ; « […] on en a tellement eu {qu’on ne s’est pas à quoi} servira cette dernière. Les résolutions seront empilées et rangées dans les tiroirs. Sinon en 2008 tout près, c’était le forum national sur l’éducation mais, hélas, des décisions fortes de cette rencontre attendent encore application. » ; « L’éducation et l’école n’intéressent pas les Maliens. L’école est reléguée au second plan, même pendant les campagnes électorales, les politiciens en parlent peu.` »

Au-delà des formules convenues

Il n’est pas rare d’entendre des Maliens exprimer leur résignation dans les formules comme « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde », selon Nelson Mandela. Comment donc changer la société malienne si cette arme est défectueuse ? « Le système éducatif n’est pas adapté aux besoins du pays » ou encore « l’éducation est un secteur vital de la vie de la nation » : les Maliens sont préoccupés par le sort de l’école mais, en même temps, regardent impuissamment les recommandations fortes prises forums après forums dormir dans les tiroirs, à l’image de celles du Forum national sur l’éducation (2008) ou encore de la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Mali (2014).

Pour saisir autrement la profondeur de la crise de l’école au Mali, en particulier celle touchant l’enseignement supérieur, il est utile de lire Être étudiant au Mali. Chroniques d’une vie d’étudiant (La Sahélienne, 2016) : « Il va donc falloir s’habituer à une évidence qui dit que l’enseignement supérieur malien est source d’un problème troublant (pour l’administration), de frustration (pour les soucieux de l’éthique) et de tremplin (pour les tenants de l’avis selon lequel tous les coups sont permis…) ». A travers ses chroniques, Bokar Sangaré, frustré et soucieux de l’éthique comme il le décrit, ne pouvait que partager son vécu qui ressemblait tant à ce que vivaient d’autres étudiants maliens. Entre les vols de téléphone et de moto, la corruption à ciel ouvert, les grèves tantôt des étudiants tantôt des enseignants, la violence dans l’espace universitaire, le retard dans l’accès aux bourses et trousseaux, les difficultés des étudiants vivant sur le campus, les conditions d’études sensibles des femmes, le lecteur est saisi par les épreuves que vivent les étudiants au quotidien, que l’auteur résume comme « le symbole d’une inconscience nationale ».

A ce propos, le livre reprend l’image sombre de l’école malienne décrite déjà en 2014 par le regretté éditorialiste Adam Thiam : « L’enseignement supérieur au Mali est sur la civière et, reflet exact d’une globalité malade, il n’augure rien de bon pour l’avenir du pays. Les professeurs Koumaré, Ogobara et d’autres cités par le chef de gouvernement sont l’exception d’un système où la médiocrité demeure la règle. Niveaux désastreux malgré des diplômes ronflants, corruption allant jusqu’au système de notation des étudiants, débrayages à tout vent, années académiques interminables, et tout cela dans un impitoyable contexte de concurrence communautaire qui finira par nous imposer des ingénieurs sénégalais et des chimistes ivoiriens. »

L’éducation malienne se relèvera difficilement, le rôle des jeunes dans le dispositif de réflexion et de décisions doit changer pour faire des élèves et étudiants des acteurs clés. Comme cela doit être le cas des jeunes au ministère de la Jeunesse et des Sports, des agriculteurs au ministère de l’Agriculture, des femmes au ministère de la Femme, entre autres. L’élaboration des politiques publiques dans le secteur de l’éducation ne doit plus être une activité réservée aux seuls experts, techniciens et partenaires mais devrait s’inscrire dans une nouvelle orientation où on ne pense pas seulement ce qui est bien pour les jeunes mais où les jeunes pourront également penser ce qui est mieux pour eux-mêmes.

Dans l’émission Mali_Kura Taasira 2, diffusée le 11 janvier 2024 sur la chaine nationale ( ORTM), le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Rechercher scientifique, Bourema Kansaye, fut interpellé sur l’âge d’entrée et d’obtention du diplôme de licence de l’étudiant malien dans l’université publique. Car il lui faut au minimum six ans pour avoir un diplôme de trois ans, et cela non pas par l’échec de l’étudiant mais de tout un système éducatif malien qui a vraiment besoin d’être refondé avec les jeunes et pour les jeunes.

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (1)

  1. J’ai trouvé exceptionnel se document, pouvez vous m’aider à élaboré un TDR adressé à notre administration sur une l’organisation d’une cérémonie de récompense des meilleurs de l’école en interpellant les parents afin qu’ils soient tenu au courant de la situation académique de leur enfant et permettre de retour au de reprendre le chemin