Le 25 mars dernier, Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition malienne, a été enlevé entre Sarefara et Koumaira (Niafunké, Tombouctou) alors qu’il était en campagne pour le 1er des élections législatives, tenu le 29 mars. Deuxième personnalité politique du pays, son enlèvement est une gifle pour la République, estime le blogueur Aliou Diallo.
Arrivé deuxième au second tour des élections présidentielles de juillet-août 2018, face à Ibrahim Boubacar Keita, candidat à sa propre succession, Soumaïla Cissé est un ingénieur-informaticien de profession. Il a été président de l’Union économique monétaire ouest-africaine (UEMOA, 2004-2011) et plusieurs fois ministre : des Finances en 1993, des Finances et du Commerce en 1994, de nouveau ministre des Finances en 1997 et ministre de l’Équipement, de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme en 2000. Le principal opposant malien est une personnalité d’envergure régionale voire internationale.
Depuis le début de la crise sécuritaire que traverse le Mali, l’enlèvement d’une personnalité de cette envergure est unique et sans précédent. A ce jour, aucune revendication n’a été faite depuis son enlèvement le 25 mars. Les groupes terroristes, affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et opérant dans le sud-ouest de la région de Tombouctou, sont montrés du doigt. Mais, à l’heure actuelle, nous ne savons pas avec exactitude qui sont les ravisseurs de M. Soumaïla Cisse et quelles en sont les motivations. Une seule évidence : cet enlèvement de Soumaïla Cissé est la preuve, si besoin était, de la mauvaise foi des leaders « djihadistes » maliens du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) avec laquel le principe d’un dialogue a été accepté par le gouvernement malien.
Le Président Keïta, dans une interview accordée à la chaîne de télévision France 24, a annoncé les bonnes dispositions manifestées par le gouvernement d’ouvrir un dialogue avec les leaders des groupes, et le leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), Iyad Ag Ghaly, a fait un communiqué le 8 mars 2020 pour déclarer que son groupe acceptait « de dialogue avec Bamako sans conditions préalables en application de la volonté populaire, notamment celle manifestée par la population pour exiger la fin de l’occupation française ».
Le centre et le nord du Mali sont aujourd’hui un terrain de jeu pour les groupes djihadistes. L’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger et signé en 2015, n’a pas donné les résultats escomptés : cinq ans après sa signature, le bilan est des plus mitigés. Pire, certains groupes armés signataires sont soupçonnés d’avoir des accointances avec les groupes djihadistes. Un récent rapport de l’Institut d’études de sécurité (ISS, décembre 2019) intitulé « Extrémisme violent, criminalité organisée et conflits locaux dans le Liptako-Gourma » a mis en évidence les liens existant entre les groupes ex-indépendantistes rendus « fréquentables » par l’Accord pour la paix et les groupes extrémistes violents. Ces affirmations peuvent être corroborées par la quasi-inexistence d’affrontements entre les groupes djihadistes et les groupes armés ex-indépendantistes. Cette situation d’insécurité génralisée a, sans nul doute, facilité l’enlèvement et la séquestration du chef de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé mais aussi de tous les autres otages.
En plus de la cellule de crise de son parti politique Union pour la république et la démocratie (URD), L’État a mis en place une cellule de crise parallèle présidée par l’ancien Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, un proche M. Cissé. Cette situation est une vraie honte et une belle « gifle » pour la République.