Lac Faguibine : la mise en eau pour la stabilité, la cohésion sociale et le développement économique local
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Lac Faguibine : la mise en eau pour la stabilité, la cohésion sociale et le développement économique local

Aujourd’hui, la situation du système Faguibine est alarmante. Les dérèglements climatiques ravagent de plus en plus la productivité agricole et pastorale des populations qui vivent autour des lacs. Une mise en eau est plus qu’une urgence.

Depuis les années 1972-1973, le lac Faguibine a commencé à connaitre son asséchement. Cela a considérablement réduit les rendements agricoles, qui étaient bien avant confrontés à des difficultés telle que la rareté des intrants agricoles et de la main-d’œuvre.

La survenance de vents secs et chauds, provoquant une sècheresse sans précédent, a poussé les populations à migrer vers les autres lacs et mares, abandonnant derrière elles des milliers d’hectares et créant une fragilité de l’écosystème qui subit de plein fouet les contrecoups du changement climatique. A tout cela, s’ajoute la rareté des pluies ainsi que l’avancée incontrôlable du désert.

Enjeu majeur

Selon le Conseil alimentaire mondial en 1973, « chaque, homme, femme et enfants a le droit inaliénable d’avoir à manger et ne doit pas souffrir de malnutrition afin de se développer pleinement et de conserver ses facultés physiques et mentales ». Le système Faguibine réunit cinq lacs interconnectés (Télé, Takara, Gouber, Kamango et Faguibine), tous situés dans la région de Tombouctou. Ils couvrent une superficie de 86 000 hectares inondables, selon l’Office pour la mise en valeur du système Faguibine (OMVF).

Pour Aliou Maïga, ancien agronome, « la relâche du système Faguibine a été un coup très dur pour les populations nomades et sédentaires qui vivent autour du lac, provoquant une réduction des surfaces cultivables, mais aussi la disparition du peu d’herbes». Le forum sur le Faguibine est ainsi l’occasion de penser à ces obstacles qui représentent un enjeu majeur pour les populations lacustres.

Depuis les années 1973, les panoramas agricoles du lac Faguibine et ses mares ont strictement changé avec la diminution des eaux issues des chenaux et caniveaux. Aujourd’hui, le lac fait face à des difficultés extrêmes telle que la dégradation du milieu naturel menaçant son existence, favorisant le départ de la main-d’œuvre vers la Mauritanie à la recherche d’emploi. La sécheresse de 1984-1985 fut un désastre pour les éleveurs. Brahim, un éleveur, explique que certains se sont sédentarisés et d’autres ont dû abandonner ou vendre leurs troupeaux pour s’adonner à l’agriculture ou au commerce transfrontalier entre le Mali et la Mauritanie.

Des conséquences durables

Les années de sécheresses successives (1973-1974 ; 1984-85) ont été révélatrices de l’appauvrissement de la population, provoquant l’effondrement des systèmes d’élevage, des mutations profondes au sein des sociétés et de la dégradation de l’environnement naturel. Ces multiples chocs ont contribué à accroitre le niveau de la pauvreté et de la vulnérabilité socio-économique. Cela a été causé par « le manque de fortes précipitations mais aussi la détérioration des canaux d’amenée d’eau, autrement dit l’ensablement progressif des bordures du lac et des contours du chenal sablonneux », explique Hamma Amadou Djadjé enseignant à la retraite.

Cet asséchement constitue un frein à l’alimentation du lac en eau, laissant la place à la montée du désert. La crise de sécheresse et de désertification n’est pas nouvelle, explique un habitant : « Depuis que le système Faguibine est arrêté, certaines cultures ne marchent plus que pendant la saison d’hivernage alors que les cultures étaient possibles sur toute l’année. À partir de 1985, les végétations ne poussent plus comme il le faut, à cause de l’assèchement du lac. » « Nous qui vivons au Faguibine souffrons trop du manque de pluies. Nos cultures sont pratiquement inexistantes, car il pleut moins », témoigne un cultivateur.

Les pasteurs ne sont pas les seuls concernés. Ces sécheresses répétitives au niveau de la zone, qui s’étend de la région de Tombouctou jusqu’au sud de la Mauritanie, ont contribué à la perturbation de façon continue de la vie et le départ des populations sédentaires et agropasteurs. Aujourd’hui, la situation du système Faguibine est alarmante. Les dérèglements climatiques ravagent de plus en plus la productivité agricole et pastorale des populations qui vivent autour des lacs.

Les dirigeants de la région de Tombouctou doivent être plus que jamais déterminés à redémarrer l’Office de mise en valeur du système Faguibine, qui était dans le passé considéré comme le grenier des régions du Nord et du Hodh El-Chargui en Mauritanie. Ils peuvent mobiliser les moyens nécessaires auprès des partenaires bilatéraux et multilatéraux non seulement pour des programmes exceptionnels de lutte contre la pauvreté, la sécheresse, la désertification et les conflits locaux mais aussi pour la réalisation de l’autosuffisance et la sécurité alimentaire à travers l’aménagement des surfaces, les mécanisations  agricoles, la restauration des faunes et les renforcements des capacités des organisations paysannes. Autrement, les populations paieront un lourd tribut et le développement économique local sera mis à mal, surtout avec des crises alimentaires et des flux massifs de population continuels.

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