L’inégalité, le sexisme, la marginalisation des femmes, sont inculqués aux enfants depuis leur plus jeune âge. La meilleure façon de lutter contre ces discriminations est d’encourager nos enfants à réaliser leurs ambitions, indépendamment de leur sexe, écrit la blogueuse Salimata Traoré.
De ma naissance à mes 7 ans, ce sont les seuls moments où je me suis sentie comme un être humain complet. A cette époque, je ne dis pas qu’il n’y avait pas d’inégalités au sein de ma famille, juste que je n’étais pas assez consciente pour m’en rendre compte. J’étais toute innocente. C’était sûrement la belle époque pour moi, où j’étais tranquille et n’avais ni haine, ni colère pour personne.
Plus je devenais consciente de la réalité des choses, plus je détestais Madou, mon unique frère. Oui, nous n’étions que deux, moi la « fille » et Madou, mon grand frère, le « garçon ». Bon, à vrai dire, avant, j’adorais mon frère : il était tout pour moi. Mais à cause de mes parents, je le voyais au fur à mesure comme mon rival.
Madou avait droit à tout
En grandissant, Madou avait droit à tout, et moi j’étais privée de tout ce qui pouvait me rendre heureuse. J’aimais bien le sport, tout comme mon frère. Nous jouions, durant le bas âge, ensemble, au foot, au basket, au handball, à l’athlétisme et il n’y avait pas de différence. Nous étions comblés.
A mes 7 ans, mes parents et le voisinage m’ont fait comprendre que je faisais des « jeux de garçons ». Pour eux, je devenais un « garçon manqué » ! Ils me conseillaient de jouer aux « jeux de filles », des jeux de cuisine et de couture.
Au plus profond de moi, je me posais tellement de questions. Les jeux, c’est pour se divertir ou pas ? Je n’avais pas encore compris que ce sont des instruments que la société utilise pour fabriquer des « hommes » et des « femmes ». Moi, je voulais simplement être heureuse. Pourquoi maman et papa interdisaient à mon frère Madou de s’approcher de mes jeux de cuisine, alors qu’il voulait simplement m’aider?
Mon frère devenait macho
Avec le temps, Madou changeait énormément, je ne le reconnaissais plus. Il devenait un vrai macho et, tout comme la société, il commençait à marginaliser la femme. Quand je l’appelais pour m’aider à la cuisine, il répondait que « ce ne sont pas des tâches d’homme ». Au magasin, Madou avait droit aux voitures, et moi aux poupées Barbie. Les affaires de Madou et même sa chambre était bleue et la mienne rose. Je n’avais rien demandé de tout ça, d’ailleurs on ne demandait pas mon avis, on suivait tout simplement les codes de la société.
Dans tout cela, ce qui hante mes souvenirs, c’est le jour où oncle Ablo nous a demandé ce qu’on aimerait faire plus tard. Madou a dit qu’il voulait devenir un footballeur, et mon cousin Aziz a dit qu’il voulait devenir un ministre. Mon oncle les a encouragés pour leurs belles ambitions.
Pour un monde plus juste
Quant à moi, j’ai dit : « Je veux être maire, député, ministre et finir par être présidente de la République ». Mon oncle est resté sans voix et mes deux frérots ont beaucoup rigolé. Par la suite, mon oncle m’a dit : « Ecoute ma chérie, c’est magnifique tout ça, mais tu as des potentiels pour être aussi sage-femme. Tu n’aimes pas aider les gens dans le besoin ? ». Sans un mot, je suis partie du salon…
Aujourd’hui, je suis adulte et je milite pour qu’on vive dans un monde plus juste ! Je veux que les gens soient embauchés, élus à des postes de responsabilités car ils ont des compétences et non pas parce qu’ils ont « le bon sexe » !
L’inégalité, le sexisme, la marginalisation des femmes sont inculqués aux enfants depuis leur jeune âge. La meilleure façon de lutter contre ces discriminations est d’encourager nos enfants à réaliser leurs ambitions, indépendamment de leur sexe.