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La politique malienne pour les nuls (2) : à quoi sert le vote?

Depuis 1997, élections riment avec fraude. Ceux qui organisent, surveillent le vote comme le lait sur le feu. Ce sont ceux-là même qui fraudent les résultats. Plus important encore : chaque camp participant au scrutin met en place ses mécanismes pour frauder, vidant ainsi le processus de son essence, écrit le blogueur Bokar Sangaré.

Au commencement n’était pas le vote. Modibo Keïta n’a pas été élu en 1960 mais désigné en tant que secrétaire général de l’Union soudanaise, Rassemblement démocratique africain (US-RDA), même si les députés de son régime le furent plus tard jusqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale. Ce que l’on sait de cette période, c’est qu’il y a eu peu de vote. Il a fallu attendre 1974 pour que les Maliens votent à nouveau, sous Moussa Traoré, pour adopter la nouvelle Constitution créant un régime à parti unique. Ceux qui ont connu ces périodes de plomb gardent comme une relique le souvenir des scores soviétiques (99% des voix) sur fond de bourrage d’urnes du parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (surnommé Univers dangereux pour un peuple malheureux selon le journaliste Ousmane Sow).

Pour ceux qui ont vécu assez longtemps dans ce pays, il n’y a eu de vraies élections qu’en 1992. C’était le début du multipartisme. L’État ne s’était pas mêlé de l’élection et avait observé la neutralité qui lui sied. Et il n’y avait pas tous ces acteurs dans l’organisation dont on se demande aujourd’hui à quoi ils servent réellement, et qui ont contribué à dévier le processus à partir de 1997. Depuis, sur nos terres où les populations sont défaitistes et fatalistes, élections riment avec fraude. Ceux qui organisent, surveillent le vote comme le lait sur le feu. Ce sont ceux-là même qui fraudent les résultats. Plus important encore : chaque camp participant au scrutin met en place ses mécanismes pour frauder, vidant ainsi le processus de son essence.

Les gens ne savent pas pourquoi voter

Mais il n’y a pas que ça, bien sûr. Il y a un autre aspect. Et un ami anthropologue étranger a su bien le résumer : au Mali, les gens ne savent pas pour qui voter ni pourquoi voter. S’y ajoute le fait que les candidats sont tout sauf représentatifs de la population, et ne sont en réalité qu’un petit groupe de gens dont la vie n’a rien à voir avec celle de la majorité. Un microcosme de personnalités qui ne comprennent pas les préoccupations de la société, ni ses angoisses. Alors, question légitime que se posent les populations : à quoi cela sert de voter pour des gens qui ne connaissent pas les problèmes d’eau, d’électricité, de médicaments ? Ce qui renvoie aussi à l’éternel débat sur la désaffection des urnes, ici comme ailleurs (le peuple ne veut plus déléguer sa confiance), qui résulterait de l’échec des partis traditionnels infichus de tenir les promesses de développement, de création d’emplois et de croissance.

Dans son livre Un para à Koulouba, chronique d’une nation à repenser, l’excellent journaliste et écrivain feu Ousmane Sow a mis le doigt sur le point le plus crucial : « La démocratie malienne a libéré le citoyen malien de la peur. Il peut parler, critiquer, dénoncer. Pour autant, est-il entendu ? Que vaut la parole citoyenne ? Quel est le poids de l’opinion publique ? Rien ! Car les dirigeants ont compris que la force de la démocratie constitue également sa principale faiblesse quand les responsables ne sont pas comptables de leur gestion. Peu à peu, le citoyen est devenu indifférent, cynique. A peine 20% de l’électorat daigne se rendre aux urnes. La démocratie malienne n’a que seize ans (2007, ndlr) ! Elle est mineure selon la loi. Pourtant, elle est déjà discréditée. Elle traine inexorablement les tares congénitales d’une pratique politique qui n’a pas réussi à se hisser à la hauteur des espérances sociales. »

En 2018, la démocratie malienne n’est plus mineure, mais elle est plus discréditée que jamais.

 

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