Yanfolila : avec la fièvre de l’or, éducation compromise et violences sur les sites pour les filles
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Yanfolila : avec la fièvre de l’or, éducation compromise et violences sur les sites pour les filles

L’orpaillage traditionnel affecte la scolarité des enfants au Mali, notamment celle des filles. La ruée vers l’or et les autres activités connexes sur les sites, à Yanfolila, attirent des filles au péril de leur éducation scolaire. Elle les expose à d’énormes risques : harcèlements, agressions, viols, avortements non sécurisés…

Depuis 2001, le Mali figure dans le peloton de tête des pays producteurs d’or du continent, après l’Afrique du Sud et le Ghana. Ces dernières décennies, le boom aurifère a donné lieu à une ruée vers l’or. Les jeunes  filles se rendent sur ces sites pour diverses raisons : constituer un trousseau de mariage, aider leurs parents dans les activités d’orpaillage ou des activités connexes (commerce, restauration…).

La situation est constatable dans presque toutes les régions du Mali, mais plus particulièrement dans les régions de Sikasso, Koulikoro ou encore Kayes. Partout, la première raison est d’ordre économique. Pourtant, les causes sont nombreuses : précarité, harcèlement scolaire, influence des pairs…

Décrochage scolaire

« L’appât du gain rapide est la première cause d’abandon des classes par les jeunes filles dans cette localité, car la majorité vient de familles pauvres. Ensuite, elles sont influencées par d’autres jeunes filles qui reviennent de ces sites avec beaucoup d’argent souvent », explique Fatoumata Makalou, ex-conseillère pédagogique et chargée de la petite enfance à Yanfolila. « Certaines aussi abandonnent les classes à cause du harcèlement de certains professeurs », ajoute-t-elle.

Au cours d’entretiens sur le terrain, il s’est avéré que certains parents n’hésitent plus à exposer leurs enfants aux multiples dangers liés à l’orpaillage. Souvent, ils mènent de travaux pénibles. Comme le témoigne Salimata Doumbia, sur le site de Bounounko, à Yanfolila : « J’ai abandonné l’école à l’âge de 9 ans pour accompagner ma maman sur les sites d’orpaillage ».

Cela fait 11 ans maintenant que la jeune femme vit sur les sites au Mali, en Côte d’Ivoire ou encore en Guinée. Salimata et ses deux sœurs ont toutes quitté l’école à bas âge pour suivre leur maman dans ces activités.

Pourtant, selon la convention n° 138 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiée par le Mali, l’âge minimum d’accès à l’emploi correspond à l’âge de fin de scolarité obligatoire, soit quinze ans au Mali. Il n’existe pas de données spécifiques sur la question de la déscolarisation en lien avec l’orpaillage sur les sites traditionnels au niveau du ministère de l’Éducation nationale du Mali. En 2011, un rapport de Human Rights Watch estimait à au moins 20 000 le nombre d’enfants travaillant dans les mines d’or artisanales du Mali dans des conditions extrêmement « dures et dangereuses ».

Du rêve au cauchemar

Pour la plupart de ces filles, les sites d’orpaillage se transforment en un véritable enfer. Certaines sont agressées, harcelées, violées, exploitées : là-bas, règne la loi du plus fort. D’autres se retrouvent enceintes, pratiquent des avortements non sécurisés et vivent toutes leur vie avec les séquelles.

Il y en a aussi qui se retrouvent à s’adonner au plus vieux métier du monde, pas forcément par choix, mais par nécessité. Elles sont marginalisées dans la société et le mirage de l’or se dissipe tôt ou tard. Dans le pire des cas, certaines disparaissent comme englouties sous la terre. « Je déconseille à mes petites sœurs d’emprunter cette voie, car elle est pleine de surprises désagréables », murmure Salimata pour éviter les oreilles indiscrètes.

Dans cette histoire, les plus avertis sont le corps professoral de Yanfolila. « Nous sommes sans nouvelles de plusieurs d’entre elles, certaines fuient avec des orpailleurs venus d’autres contrées. Et il parait que d’autres servent de sacrifices. C’est toujours une perte, mais encore plus lorsqu’il s’agit de brillantes élèves pleines d’avenir », déplore Fatoumata Traoré, enseignante à l’école de Gananbougou depuis 2006. Dans cette école, il est arrivé que les classes d’examen soient presque vides (9 élèves dans la classe) dès qu’un nouveau site ouvre. Des parents, quant à eux, soutiennent et encouragent le départ de leurs filles car, selon eux, « on étudie pour pouvoir gagner sa vie et s’il y a un raccourci, pourquoi perdre son temps sur les bancs ».

Il urge de promouvoir l’éducation à la santé sexuelle dans ces localités où se pratique l’orpaillage et miser sur la sensibilisation des parents. Plus que tout, il y a urgence à impliquer les pairs qui ont pu réussir grâce aux études en attendant une action poignante de l’Etat.

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