Après sa libération avec ses coaccusés, le débat sur le transfèrement d’Amadou Haya Sanogo à la CPI est à nouveau soulevé, notamment sur les réseaux sociaux.
La chambre d’accusation de la cour d’appel de Bamako a ordonné, le mardi 28 janvier 2020, la mise en liberté provisoire d’Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés, inculpés pour l’assassinat de 21 militaires parachutistes. Depuis son inculpation, un débat, qui est loin d’être réglé au sein de l’opinion publique malienne, bat son plein autour de son transfèrement à la Cour pénale internationale (CPI).
En 2017, lors de la visite au Mali de la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, le débat avait regagné en intensité. Car huit mois après sa suspension, le procès de l’ex-chef de la junte militaire de Kati n’avait toujours pas repris, mettant ainsi la justice malienne sous le feu roulant des critiques l’accusant d’incompétence. Amadou Haya Sanogo peut-il être transféré devant la CPI ? Des experts du droit international et de la Cour pénale internationale (CPI) répondent par la négative.
Que reproche-t-on à Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés ?
Il ressort de l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises de Bamako d’Amadou HayaSanogo et ses coaccusés qu’à la suite de l’échec du contrecoup d’État du 30 avril 2012, de nombreux parachutistes, aussi appelés « bérets rouges », sont faits prisonniers. Dans la nuit du 2 mai 2012, une liste de 21 « bérets rouges » est remise à l’adjudant Mamadou Koné par le lieutenant Soïba Diarra. Tard dans la nuit, les 21 infortunés sont embarqués à bord d’un camion pour une destination inconnue. Face à des rumeurs persistantes sur leur exécution, le parquet général de Bamako, par la lettre n°021 en date du 21 juillet 2012, instruit au procureur de la République près le tribunal de grande instance de la commune 3 du district de Bamako, d’ouvrir une enquête contre X pour enlèvement de personnes.
Suite à cette enquête, plusieurs officiers et sous-officiers, tous membres de l’ex-CNDRE, sont inculpés d’enlèvement et d’assassinats de personnes. Les inculpés sont, entre autres, Amadou Haya Sanogo, les capitaines Issa Tangara, Amassongo Dolo et Christophe Dembélé ; les sous-officiers Ousmane Sanafo, dit « kif-kif », Mamadou Koné, Fousseyni Diarra, etc.
Lors de leur première comparution devant le juge d’instruction, Mamadou Koné et Fouseyni Diarra indiquent, dans les moindres détails, l’endroit où étaient enterrés les victimes. Le magistrat instructeur, Yaya Karembé, ordonne le transport sur le lieu indiqué, situé aux environs du village de Diago (Kati), non loin de la cimenterie. Suite à une exhumation, les enquêteurs découvrent dans une fosse commune 21 squelettes humains.
Les examens médicaux légaux et les tests ADN pratiqués par le laboratoire du Fédéral Bureau of Investigations (FBI) des États Unis aboutissent à la conclusion selon laquelle les squelettes sont ceux des 21 « bérets rouges » disparus. Amadou Aya Sanogo et plusieurs autres officiers supérieurs, comme le Général Yamoussa Camara et le Général Ibrahima Dahirou Dembélé, respectivement ministre de la Défense et chef d’état-major général des armées au moment des faits, sont inculpés de crimes, d’assassinats et de complicité d’assassinats.
Pourquoi il ne sera pas transféré
La CPI ne remplace pas les tribunaux nationaux. Ainsi, chaque État a le pouvoir et le devoir d’exercer sa compétence pénale vis-à-vis des criminels. « La Cour ne peut intervenir que dans les cas où un État est dans l’incapacité ou n’a pas la volonté de mener à bien des enquêtes et de traduire en justice les auteurs de crimes », nous explique Janet H Anderson, journaliste spécialiste du droit international. Autrement dit, lorsqu’un pays arrive à distribuer convenablement la justice, la CPI n’a pas à intervenir. Dans le cas d’Amadou Haya Sanogo, Janet H. Anderson nous explique que la CPI n’intervient pas, puisque le Mali s’est déclaré compétent et a même ouvert le procès en 2016, à Sikasso, avant le report demandé par ses avocats.
Les seuls cas où la CPI peut être saisie, en dehors de la volonté des États, concernent les personnes déférées devant elle par le Conseil de sécurité de l’ONU. Cet autre avocat bamakois, qui a requis l’anonymat, ajoute que les crimes reprochés à Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés n’entrent pas dans la catégorie de ceux pouvant être jugés par la CPI. Elle s’intéresse surtout aux cas de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et des génocides.
Pour mémoire, le dernier malien remis à la CPI, le 31 mars 2018, est l’ex-chef de la police islamique d’Ansardine, Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, poursuivi pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Auparavant, Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi, alias « Abu Turab », inculpé pour la destruction du patrimoine historique de Tombouctou pendant l’occupation d’Anssardine, a été condamné par la CPI. Dans le cas d’Al Hassane Ag Mohamed Ag Mahmoud, c’était la première que les poursuites de la Cour concernent les crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Mali.