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#BenbereVerif : au Mali, les femmes confrontées à une « désinformation genrée »
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Si aucune couche n’est épargnée, la désinformation a des conséquences sur les femmes, notamment leur participation et leadership dans la gestion publique au Mali, leur état de santé. Elle conditionne négativement le choix des femmes.

Selon une étude de Visibrain, plateforme de veille du web et des réseaux sociaux, le secteur de la santé est le plus touché par la désinformation, après celui de la politique. Cette désinformation dans le domaine de la santé n’épargne pas les femmes, notamment leurs choix en ce qui concerne la contraception, la grossesse, les infections sexuellement transmissibles.

Sous l’influence de la désinformation, certaines femmes prennent des décisions préjudiciables pour leur santé, comme l’utilisation de méthodes contraceptives inefficaces ou dangereuses. Par exemple, selon une fausse information, le Coca-Cola aurait une action spermicide (pouvant servir de moyen de contraception). Ce qui aurait conduit beaucoup de jeunes filles à contracter une grossesse non désirée pour avoir parié sur le Coca-Cola. Selon Kassim Dembélé, gynéco-obstétricien à la clinique Diafounou à Hamdallaye ACI 2000, le Coca n’a pas d’action spermicide. « Les femmes ne doivent pas compter sur le Coca-Cola comme moyen contraceptif, c’est une fausse idée qui n’a aucune base scientifique », tranche Kassim Dembélé.

Véritable problème de santé publique

Bintou Founé Samaké, présidente de Wildaf-Mali (antenne locale du réseau Women in Law and Development in Africa) et ancienne ministre de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, explique que le centre d’accueil et d’orientation de sa structure reçoit beaucoup de femmes victimes de désinformation en lien avec la santé de la reproduction. La conviction étant forte, chez certains époux, que la planification est un moyen pour la femme de se prostituer : rependue dans certains milieux religieux, elle pousse même des époux à répudier leurs épouses, poursuit Bintou Founé Samaké. « Certains époux que nous avons interpellés confient qu’ils auraient appris que chaque pilule avalée par une femme correspond à un fœtus tué », a ajouté l’ancienne ministre. Elle affirme aussi que cette désinformation est accentuée par les messages des militants de l’idéologie Trump sur la planification. Pour ces derniers, la planification est une abomination.

Les médias sociaux et d’autres plateformes sont souvent inondés de désinformation sur l’apparence et le corps des femmes, poussant ainsi certaines à recourir à des régimes dangereux comme la consommation de produits pour grossir les fesses ou devenir clair. « Tous les jours de la semaine, nos bureaux sont pris d’assaut par de nombreuses femmes victimes de publicités mensongères les poussant à la dépigmentation volontaire. La dépigmentation est devenue un véritable problème de santé publique au Mali », explique Aly Fofana, officiant à l’Hôpital de dermatologie de Bamako.

Poste de pouvoir et stéréotypes de genre

La désinformation contribue à décourager la participation politique des femmes, notamment aux processus de prise de décisions. Les responsables de la désinformation contre la participation politique des femmes, inconsciemment ou consciemment, ont pour objectif de les réduire au silence, les décrédibiliser et ainsi pousser à quitter la sphère politique. « Ce type de désinformation contribue à orienter le débat des femmes politiques en réduisant leur espace d’expression et d’action. Je me rappelle que lorsque nous étions en campagne avec notre candidate en 2007, les questions en lien avec les fausses informations sur les femmes politiques dominaient les débats, obligeant notre candidate à démentir, à dénoncer, à se justifier. Ce temps passé à se défendre était du temps en moins pour mettre en avant ses idées politiques », confie Adiaratou Sanogo, membre du staff de campagne de Sidibé Aminata Diallo, candidate à l’élection présidentielle malienne de 2007.

Sur la « désinformation genrée », Bintou Founé Samaké déplore qu’il est courant de voir les femmes politiques présentées comme faibles, inaptes ou incompétentes pour occuper certaines responsabilités. En lien avec cette incapacité supposée des femmes à assurer certaines fonctions, la nomination de Mariam Kaïdama Sidibé comme première ministre, sous l’ère Amadou Toumani Touré, le 3 avril 2011, n’a pas été du goût de beaucoup de leaders religieux. Certains d’entre eux ont, dans des prêches, attribué la chute du président Amadou Toumani Touré à la nomination d’une femme comme première ministre.

Ce cliché passe auprès de certains. Enseignant de son état, Amadou Coulibaly est convaincu qu’une femme nommée à une certaine responsabilité conduirait sans doute le pays à la dérive. Il assure que s’il est président, les femmes n’occuperaient pas certaines fonctions.

Même dans certaines sociétés dites avancées en termes d’égalité homme-femme, la désinformation sur l’incapacité des femmes à occuper certains postes existe. En janvier 2023, la chaîne BBC, annonçant la démission de la première ministre de la Nouvelle-Zélande Jacinda Ardern, avait titré « Démission de Jacinda Ardern : les femmes peuvent-elles vraiment tout avoir ? » Suite à l’indignation de plusieurs lecteurs, le média a présenté ses excuses et a reconnu que son titre était sexiste, avant de le supprimer.

Idées fausses sur les compétences

La désinformation renforce les stéréotypes de genre sur les capacités intellectuelles et professionnelles des femmes, ce qui peut limiter leurs opportunités d’éducation, d’emploi et d’accès à des revenus décents. Par exemple, la croyance erronée selon laquelle les femmes sont moins compétentes dans certains domaines (scientifiques, techniques, sportifs, défense et sécurité, etc..) peut les dissuader de poursuivre des études ou de postuler à des emplois dans ces domaines, empêchant ainsi la réduction de la pauvreté ; la réalisation de leur autonomisation et de leur participation au développement dans un pays.

Pour limiter les impacts négatifs de la désinformation genrée, il est important de mettre en œuvre des actions concrètes. Celles-ci nécessitent une approche impliquant tant les individus, les organisations et la société dans son ensemble.

Les États doivent également s’investir dans des campagnes visant à dénoncer et lutter contre cette forme de désinformation. La sensibilisation doit aussi se faire en amont, notamment auprès des jeunes filles et garçons, pour informer sur les mécanismes de la désinformation et sensibiliser les individus à la pensée critique et aux techniques de vérification des faits.

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